RDC: Réactions à l'annonce de retrait du M23
7 décembre 2022En République démocratique du Congo, la rébellion du M23 se dit prête à commencer son désengagement et son retrait de toutes les zones qu'elle a conquises.
Dans un communiqué publié hier soir, le mouvement a également demandé une rencontre avec la force régionale de la Communauté des États d'Afrique de l'Est, le facilitateur et le mécanisme de vérification.
Un dialogue direct avec le gouvernement congolais est également demandé par le M23 qui n'a pas participé aux négociations de paix de Nairobi III.
Le député provincial du Nord-Kivu, Emmanuel Ngaruye Muhozi estime que si cette fois les rebelles tiennent parole, ce sera une bouffée d'espoir pour le peuple congolais. Ce député élu du territoire de Rutshuru, s’exprime au micro de notre correspondant à Goma, Zanem Nety Zaidi :
"Nous sommes habitués à ces jeux de la part du Rwanda et ses créatures, comme le M23. Nous pensons que [ce revirement du M23] est dû à plusieurs raisons. D'abord la détermination du peuple congolais et celle de son président qui tient un discours cohérent d'unité contre les véllétités expansionnistes des envahisseurs rwandais et ougandais. Et la pression de la communauté internationale qui commence timidement à se faire remarquer. Cela est dû à la détermination de la population et du président, de plus en plus perceptible. Nous pensons que si [le M23] ne tient pas parole, comme toujours, le peuple congolais et son président vont renforcer les mécanismes en marche pour mettre en déroute ces hors-la-loi. Nous comptons aussi sur la bonne foi, désormais, des partenaires de la RDC pour que la RDC puisse accéder à la paix et impulser le développement dans la région des Grands Lacs."
Ecoutez ci-contre cette autre réaction aux annonces du M23: celle de Johnson Ishara Butaragaza. Il est le président fédéral du LGD Nord-Kivu, un parti d'opposition. Nous l'avons joint ce matin à Goma. Et selon lui, "le M23 n'existe pas" en tant que rébellion, il s'agit en fait de combattants de l'armée rwandaise.
Interview avec Johnson Ishara Butaragaza :
Johnson Ishara Butaragaza : Nous pensons qu'avec toutes les preuves qui ont été trouvées sur terrain, on sait maintenant qu'on a n’a pas affaire à un groupe armé comme on est en train de le dire, mais plutôt à une armée conventionnelle. Dans ce cas d'espèce : le Rwanda.
D’un autre côté, nous pensons qu'il y a une certaine impuissance aussi du gouvernement congolais de ne pas mettre hors d'état de nuire tous ses ennemis.
Quand [les combattants du M23] se sont accaparés de la localité de Bunagana, on les a laissés plus de 150 jours ! Ils ont pu s'organiser, se renforcer jusqu'à lancer l’assaut qui a failli coûter la chute de la ville de Goma. Donc cette impuissance également, cette hypocrisie qui semble être entretenue au sein de la communauté internationale où le discours n'est pas clair pour le gouvernement : on a affaire à l’armée rwandaise, mais la communauté internationale continue à parler de rebelles. Or quand on parle des rebelles, cela signifie que ce sont des Congolais qui se sont révoltés contre la gouvernance, ce qui n'est pas le cas.
DW : Comment avez-vous réagi aux annonces, hier [06.12.22], du M23 qui disait que finalement ils étaient prêts à se retirer des territoires occupés et à discuter avec l’EAC du processus de paix qui est en train d'être établi ?
Johnson Ishara Butaragaza : Non, on va leur demander de libérer toutes les zones qu'ils ont occupées et ils vont se cantonner quelque part ? Or le quelque part en question, ce n'est même pas au Rwanda, ça va être encore au Congo. Et après cela, on va mettre une zone tampon. La zone tampon sera composée de l'armée régionale de l'EAC et de la Monusco. Ils vont créer une zone tampon avec les FARDC, ce que nous trouvons inacceptable.
Deuxièmement, c'est que, en réalité, le M23 n'existe pas. On a plutôt affaire à une armée rwandaise. Alors, est-ce qu'on va s’asseoir autour d’une table avec une armée étrangère dans le processus de soi-disant négociations ? Va-t-on dialoguer pour étudier les possibilités, les mécanismes d'intégrer une armée étrangère dans notre armée ? C’est inacceptable d'intégrer leur branche politique dans notre circuit administratif [congolais].
Donc nous, nous pensons aujourd'hui que le schéma est scellé et demandons plutôt à Paul Kagame de prendre ses enfants qui sont dans le M23 et de les ramener au Rwanda pour les garder là-bas.
Mais la politique interne devrait être en mesure de dire : on a affaire à l'armée rwandaise et c’est seulement quand l'armée rwandaise va rentrer dans son pays que nous allons discuter sur d'autres éléments d'harmonisation de la diplomatie entre les deux Etats.
DW : Les Etats-Unis ont demandé au Rwanda de cesser de soutenir toute rébellion. Selon vous, qui est-ce qui pourrait faire pression sur Paul Kagame?
Johnson Ishara Butaragaza : Lorsqu'un pays se décide d'attaquer un autre, tous les Etats membres des Nations Unies le condamnent fermement. Et parmi les condamnations, il y a même des sanctions qui sont prises. Ça peut être des sanctions économiques, ça peut être des sanctions politiques, mais tout cela, ce n'est pas fait.
Alors, à un moment, si ça se résume seulement dans les discours, eh bien de l'autre côté, au Rwanda, ils vont jouer à l'amusement parce qu'ils vont se dire cela a déjà été dit, c'est déjà fait. Donc ça ne leur fait ni chaud ni froid.
Dans ce genre de contexte où, déjà, on vient de tuer beaucoup de nos compatriotes . Rien qu'à Kishishe, ce sont plus de 280 citoyens qui ont été tués en moins de 48 heures... sans compter le nombre d'autres compatriotes qui ont été tués dans leur village où [les combattants du M23] étaient de passage... Malgré tout ça, le discours reste faible pour condamner ces exactions.
C'est bien que les Etats-Unis condamnent cela et qu'ils disent "Voilà, cessez !". Mais au-delà de cela, il y a des sanctions qui doivent être proportionnelles aux actes qu'ils ont posés sur le terrain. C'est ce que nous, nous pensons dans ce contexte-là.