RDC : quel bilan de l’état de siège après deux mois ?
6 juillet 2021Au moment de la proclamation de la mesure constitutionnelle qui prévoit l'instauration de l'état de siège en Ituri et dans le Nord-Kivu, elle était accompagnée de plusieurs instructions dont la fermeture des tribunaux civils au profit des tribunaux militaires.
Deux mois plus tard, les habitants constatent un vide juridique, car de nombreux justiciables ne peuvent plus se présenter devant leurs juges ordinaires.
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Jacques Hangi, avocat au barreau de Goma dit craindre à l'avenir, des cas de justice populaire si cet état de siège s'installe dans la durée.
"Compte tenu des ordonnances qui ont transféré la compétence pénale des tribunaux civils aux tribunaux militaires, nous affirmons que plusieurs dossiers qui devraient être analysés par les tribunaux civils mais qui sont entre les mains des tribunaux militaires, ont connu des retards, constate l’avocat. Il est devenu difficile d'obtenir même de petites décisions judiciaires telles que des changements de nom... Nous ne savons plus comment régler les dossiers de nos clients, et nous craignons les vengeances privées, et autres dommages que nous ne pourrons pas réparer".
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Encore des massacres
Pour sa part, Séraphin Mbasoni, analyste politique, constate qu'il y a l'ordre dans la gestion des établissements publics.
Il regrette cependant que le leadership militaire n'ait toujours pas permis un rétablissement de la sécurité. Il explique que "L'autorité militaire a pu mieux gérer les établissements publics, il y a moins de cas de corruption par exemple, mais ce n'est pas l'essentiel de la mission de l'état de siège, la mission principale est de rétablir la paix, alors que jusqu'à présent il y a toujours eu des massacres, des gens tués ici et là. Je suis d'avis qu'il faut d'abord arrêter cet état de siège et passer le relai à l'autorité civile".
L'opinion sur l'état de siège est encore mitigée dans le cercle des activistes.
Stewart Muhindo, un militant du mouvement "Lutte pour le changement" (Lucha), pense que l'état de siège a produit un effet psychologique. Mais pour obtenir les résultats escomptés, il suggère que le gouvernement agisse davantage sur le terrain et motive les militaires au front :
"Il y a eu cette pression psychologique et certaines opérations militaires qui ont poussé même certains groupes à déposer les armes. Mais il y a toujours des attaques en cours au Nord-Kivu et en Ituri. Il est clair que l'état de siège n'a pas encore pu sécuriser les habitants, je pense qu'il faut passer aux actions sur le terrain et ne pas rester dans les discours".
Le jeudi 3 juin, l'Assemblée nationale a autorisé la prolongation de l'état de siège dans les deux provinces. En vertu des articles 144 et 145 de la Constitution, cette prolongation pour une durée de 15 jours a pris effet à partir du 6 juin.