Des mercenaires blancs en RDC
12 janvier 2023Le 22 décembre dernier, plusieurs hommes blancs atterrissent à Goma. D’après les recherches de la taz, ces hommes armés, évalués à une centaine, séjournent depuis lors dans un hôtel au centre-ville de Goma, non loin de l’aéroport.
"C’est le quartier général des blancs" dit un soldat à l’entrée de l’hôtel Mbiza étroitement surveillé par des soldats de la garde républicaine congolaise. Des unités spéciales des FARDC entrent et sortent du bâtiment.
Qui sont ces hommes blancs ?
Ils seraient d’Europe de l’Est essentiellement, beaucoup de Roumanie, mais parleraient couramment français.
L’un d’entre eux, vu sur une photo sur Twitter au milieu de deux soldats congolais à Goma, est un mercenaire roumain, membre dans les années 90 de la légion étrangère française. Horatiu Portra a été à la fin des années 1990 le garde du corps en chef de l’émir du Qatar, il est aussi passé par la Centrafrique sous l’ancien président Ange-Félix Patassé.
Celui dont le nom de guerre est lieutenant Henry avait déjà eu affaire en 2002 avec l’ex-chef rebelle, Jean-Pierre Bemba, avant de repartir en 2016 en Centrafrique former les gardes du corps de l’actuel président Touadéra. Il figurait sur la liste de ceux à qui Wagner versait une solde.
La centaine d’hommes blancs armés sont-ils du groupe Wagner ?
Leur arrivée dans le chef-lieu de la province du Nord-Kivu intervient deux jours après la fin du système de notification avant tout achat d’armes auquel était soumise la RDC. Moscou a fortement contribué à cette levée. Des photos montrent des hommes musclés, aux cheveux rasés et aux lunettes de soleil, circulant dans une voiture sombre à travers Goma - avec des soldats congolais armés pour les escorter. D’après le quotidien allemand, depuis des semaines, les milieux militaires et diplomatiques de toute la région des Grands Lacs spéculent sur la nature de ces hommes armés venus d'Europe de l'Est.
En août dernier, poursuit la taz, le ministre de la Défense, Gilbert Kabanda, avait salué à Moscou le soutien de la Russie dans le combat contre les rebelles dans l’est de la RDC. La Russie avait alors promis d’aider l’armée avec des équipements modernes.
Que dit le gouvernement congolais ?
Plus tard, dans une interview au Financial Times, en octobre, le président Félix Tshisekedi avait exclu tout recours aux mercenaires.
Le ministre porte-parole du gouvernement ne confirme pas la présence du groupe russe dans son pays.
Patrick Muyaya parle de personnel technique pour entretenir des appareils russes et d’instructeurs pour former les soldats congolais.
Mais, un homme blanc a été tué au front le 30 décembre à Karenga, non loin de Goma, d’après la taz qui s’appuie sur une déclaration du M23. Le mouvement rebelle ne précise ni si c’est un mercenaire de Wagner ni la nationalité. Quatre autres mercenaires seraient aussi décédés, ajoute le M23.
Quel rôle joue le Rwanda ?
Des rumeurs circulent en tout cas sur le fait que la RDC emploierait le groupe Wagner, rumeurs alimentées par des comptes Twitter rwandais notamment.
Kigali y trouverait intérêt à donner une mauvaise image du gouvernement congolais sur la scène internationale en raison de ses éventuelles relations avec Wagner. Le groupe est accusé d’exactions dans plusieurs pays, notamment au Mali et en Centrafrique, selon les Nations unies.
Le quotidien allemand écrit par ailleurs que plusieurs diplomates occidentaux se sont dits préoccupés à l’idée que la RDC s’appuie sur Wagner pour combattre le M23.
Agemira, une entreprise privée enregistrée en Bulgarie, a déployé une quarantaine d'ingénieurs et de techniciens aéronautiques à l'aéroport de Goma pour y effectuer des réparations. Parmi eux des Bulgares, des Georgiens, des Belarusses. Aujourd'hui, les mercenaires roumains de la société de Horatiu Portra surveillent l'aéroport de Goma tandis que les techniciens d'Agemira y préparent les appareils. Tous logeraient à l’hôtel Mbiza au centre-ville de Goma.
La Taz cite Africa intelligence qui estime que Portra n’est pas le client du ministère congolais de la Défense mais de la société Congo Protection, qui appartient à l'homme d'affaires Bijou Eliya et au député Patrick Bologna. Ce dernier est le fondateur et président du parti Avenir du Congo (ACO) du Premier ministre congolais Sama Lukonde.