RDC : l’état de siège, vers la fin d'une mesure contestée
13 octobre 2023Deux ans et quatre mois après son instauration, Félix Tshisekedi précise qu'il a opté pour la mise en œuvre d'un dispositif transitoire graduel au terme duquel cette situation exceptionnelle devra connaître sa fin.
Ce dispositif transitoire "consistera au rétablissement de l'autorité civile dans les entités territoriales décentralisées et déconcentrées qui sont déjà sécurisées et sous contrôle des forces armées de la RDC", a fait savoir le président congolais.
Cette mesure implique également la levée des restrictions constitutionnelles des citoyens, notamment la liberté de manifestation et de réunion, la libre circulation des personnes et de leurs biens, en mettant fin au couvre-feu.
Du côté des habitants des provinces concernées, les avis sont assez contrastés.
Rebecca Mashukano vit à Goma. Pour cette analyste sociopolitique, "on a instauré l'état de siège dans ces deux provinces pour des problèmes spécifiques, ou des raisons particulières, en l'occurrence des raisons sécuritaires. Cependant, même si on n'a pas complétement ou efficacement vécu l'ensemble de ces actions, il n'est pas prudent d'envisager une brusque levée de l'état de siège dans ces provinces, encore moins actuellement où plusieurs milices et groupes armés y sont encore en activité. A mon avis, la levée progressive est la mesure qui déterminera sur un temps précis, quand la menace sera totalement éradiquée."
"Un non-évènement"
Pour Nicole Kavira du Collectif des indignés de la situation sécuritaire, cette annonce du chef de l'Etat congolais est insuffisante, car le collectif s'attendait à la levée pure et simple de l'état de siège.
"L'état de siège a créé plus de problèmes qu'il n'en a résolu. Ici, à Kinshasa, il y aura toujours des discours et sur le terrain, il y aura toujours des pleurs et des lamentations. "
Dieudonné Lossadhekana est le coordinateur de la société civile de l'Ituri. Au mois d'août, il était présent à la table ronde d'évaluation de l'état de siège. Il rappelle qu’à cette occasion, la population avait déjà demandé la levée de cette mesure exceptionnelle.
"Il fallait peut-être souligner que la levée de l'état de siège ne signifie pas que les militaires vont suspendre leurs activités. La réponse donnée par le chef de l'État n'a pas rencontré l'assentiment de la population" confie ce dernier a la DW.
Les élections en ligne de mire
Selon Augustin Muhesi, qui enseigne les sciences politiques à l'Université de Goma, la décision de Félix Tshisekedi peut être expliquée par deux impératifs : une réponse à la table ronde d'évaluation de l'état de siège, mais aussi l'environnement préélectoral qui exige que les candidats puissent se déplacer dans le pays. Car il rappelle que l’état de siège n’a pas pacifié la région.
L'enseignant estime que "la non-levée totale de l'état de siège pourrait s'expliquer par le fait qu'il y a des violences qui continuent et des menaces de groupes armés, que ce soit en Ituri, que ce soit au Nord-Kivu. On attendait que l'état de siège soit un régime qui donne un peu plus de pouvoir aux militaires pour leur permettre d'éradiquer tous les groupes armés, mais le tableau sécuritaire ne montre pas que la paix est revenue totalement puisqu'il y a des groupes armés qui sont toujours actifs. Même si les officiels peuvent dire qu'il y a eu certains résultats, il faut dire que globalement, la paix et la sécurité ne sont pas revenues."
L'annonce du chef de l'Etat survient aussi alors que certaines localités du Nord-Kivu sont occupées depuis un an par larébellion du M23. Après six mois de calme précaire, les combats ont repris début octobre contre les rebelles, provoquant de nouveaux morts et déplacements de population.
Dans son message, le président Félix Tshisekedi relève toutefois une "amélioration de la situation sécuritaire dans certaines zones des deux provinces concernées".