Rapprochement entre France et Rwanda ?
23 mai 2018Les relations sont tendues entre Paris et Kigali depuis 1994 et le génocide rwandais. Paul Kagamé n’avait pas effectué de visite officielle à Paris depuis 2011 en raison de ce dossier lourd et d'une blessure loin d'être refermée, comme l'analyse la journaliste belge Colette Braeckmann.
"Je crois que les relations avec la France, le contentieux qui s’est ouvert avec le génocide, c’est quelque chose qui empoisonne certainement la vie politique de la France à tout moment. Donc il faudrait nettoyer cet abcès et normaliser les relations. Alors seulement ça peut être bien pour tout le monde"
A l’Élysée, on veut voir en cette rencontre le signe d'un apaisement progressif entre Paris et Kigali. Les deux présidents "veulent travailler ensemble malgré la complexité de la relation bilatérale", indique les autorités françaises, en évoquant les "convergences de vue dans les domaines de l'innovation, du climat ou des opérations de maintien de paix en Afrique".
Les deux hommes d’État doivent aussi parler d'autre chose que de relations bilatérales : Paul Kagame est le président en exercice de l'Union africaine depuis janvier. Ses deux réformes sur le financement des opérations de maintien de la paix et du fonctionnement de l'UA intéressent l'Élysée.
Les opposants de Paul Kagame, eux, dénoncent l'attitude de la France et la reprise du dialogue avec le président rwandais. "La visite du président Kagame en France, est inexplicable" selon son ancien Premier ministre (de 1994 à 1995), Faustin Twagiramungu, qui vit actuellement en exil en Europe. Il estime que Paul Kagamé ne mérite pas d’être reçu par Emmanuel Macron.
C'est "inexplicable parce que Kagamé accuse continuellement la France d’être un pays, une puissance mondiale qui est intervenue dans les événements qui se sont déroulés au Rwanda. Notamment le génocide rwandais. Alors nous ne voyons pas comment ce monsieur-là qui a assassiné deux présidents, celui du Rwanda, celui du Burundi, qui a assassiné les politiciens rwandais, les plus importants et qui a participé au massacre au Rwanda [peut être accueilli]. Franchement, comment peut-on recevoir avec beaucoup de fracas un criminel du genre de Kagame ? Je ne comprends pas. Nous n’en revenons pas. Ceci s’inscrit je crois dans une certaine stratégie de recolonisation du continent, en se servant des tueurs, des militaires au pouvoir. Donc moi je suis totalement déçu."
Cette rencontre Kagamé – Macron est la troisième du genre. Les deux dirigeants se sont déjà vus à deux reprises en un an : en marge de l'Assemblée générale de l'ONU à New York et en Inde, à l'occasion d'un sommet sur l'énergie solaire.
Malgré ce rapprochement, Paul Kagame n’a pas renoncer à l’idée d'abandonner le français comme langue officielle. Pourtant, le président rwandais a reçu le soutien d’Emmanuel Macron pour la candidature de sa ministre des affaires étrangères, Louise Mushikiwako, au poste de Secrétaire générale de l’OIF.