Plus de quatre millions de déplacés en RDC selon l'ONU
10 avril 2018A trois jours d'une conférence des donateurs qui se tiendra vendredi 13 avril à Genève, Kinshasa conteste les chiffres de l'ONU et a annoncé qu'il boycottait ce rendez-vous.
Cette conférence est destinée à recueillir 1,7 milliards de dollars pour faire face aux crises humanitaires dans ce pays mais en annonçant son refus d'y participer, Kinshasa semble indiquer qu'il n'a pas besoin de cet argent.
"Nous sommes dirigés par des gens qui ne nous aiment pas", a affirmé le gynécologue congolais Denis Mukwege qui soigne les femmes violées dans l'est de la Républqiue démocratique du Congo (RDC).
Le Premier ministre par intérim, José Makila, a annoncé que la République démocratique du Congo n'y participerait pas, estimant que le niveau de la crise humanitaire n'est pas aussi "excessif" que l'ONU le prétend.
Les Nations unies, par le biais du HCR mais aussi du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), estiment que la RDC compte 4,5 millions de déplacés internes. "Faux" rétorque le gouvernement congolais. "La République démocratique du Congo compte aujourd'hui 231.241 déplacés internes", a affirmé Bernard Biango, le ministre des Affaires humanitaires. Soit un chiffre 20 fois inférieur à celui de l'ONU.
Dans un document consacré à la RDC, l'OCHA affirme qu'en 2017, "plus de 2,2 millions de personnes ont été contraintes de fuir leurs foyers, portant le nombre total de personnes déplacées internes à 4,5 millions en décembre 2017 – un chiffre record pour le continent africain."
Par ailleurs, les besoins humanitaires ont plus que doublé en RDC, "les personnes dans le besoin sont passées de 7,3 millions pour 2017 à 13,1 millions pour 2018", ajoute l'OCHA.
La polémique sur les chiffres tient aux difficultés d'avoir des statistiques fiables, admet Andreas Kirchhof, le porte-parole du HCR pour la RDC. "Pour ce qui concerne les déplacés internes, c'est un dossier sur lequel il y a aussi des discussions", explique-t-il. "Car c'est très difficile d'arriver à des chiffres exacts avec des gens qui sont en mouvement ou qui retournent chez eux. Mais le Haut commissaire a exprimé son souhait de trouver une solution acceptable par tous."
Les statistiques du HCR montrent que la RDC n'a jamais connu une pareille détérioration et pour ce qui concerne les réfugiés qui ont franchi une frontière internationale, entre 500.000 et 700.000 Congolais vivent dans les pays voisins tels l'Ouganda, le Rwanda et le Burundi, toujours selon les chiffres de l'ONU.
Tendance mondiale
Mais si la République démocratique du Congo reste un cas particulier, la tendance est à une explosion du nombre de déplacés et de réfugiés dans le monde.
En 2016, selon une étude de l'Internal deplacement monitoring centre, le nombre de déplacés internes fuyant les conflits a augmenté de 6,9 millions de personnes et l'Afrique sub-saharienne arrive en tête des régions concernées.
Fin 2016, notre planète comptait 65,6 millions de déplacés fuyant les guerres et les violences, ce qui représente une personne toutes les trois secondes, soit moins de temps que pour lire cette phrase.
40,3 millions étaient des déplacés internes, 22,5 millions des réfugiés et 2,8 millions des demandeurs d'asile.
La crise des réfugiés en 2015 en Europe a mis en lumière la situation de ces milliers de personnes qui fuyaient la guerre en Syrie, en Ethiopie ou au Soudan pour trouver refuge en Europe. Pourtant, il y a dans le monde deux fois plus de déplacés internes que de réfugiés et les premiers bénéficient de beaucoup moins d'attention.
Au plus fort de la crise, l'Europe a accueilli un million de réfugiés et les médias de la planète ont couvert cette tragédie pendant des mois. A l'inverse, les 4,5 millions de déplacés internes en RDC sont quasiment absents du radar médiatique.
Le paradoxe va d'ailleurs au-delà des chiffres puisque les réfugiés, à partir du moment où ils ont pu franchir une frontière internationale, peuvent bénéficier de la protection liée à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et à son protocole de 1967.
Les déplacés internes, au contraire, sont soumis au pouvoir de leur gouvernement qui, dans le meilleur des cas, n'est pas en mesure de les aider et dans le pire, est la source de leur persécution.
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Ituri : la dernière flambée de violence en RDC
La reprise des violences ethnique entre Hema et Lendu, dans la province de l'Ituri, a de nouveau jeté des milliers de personnes sur les routes.
La Croix-Rouge estime que depuis le début de l'année, 70.000 réfugiés congolais ont franchi le lac Albert pour rejoindre le camp de réfugiés de Kyangwali, en Ouganda, géré par le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR).
Parmi eux, certains sont porteurs du virus du choléra, endémique dans la région, et plus d'une quarantaine de réfugiés congolais sont morts de cette maladie, a annoncé la Croix Rouge.
La plupart des réfugiés sont des femmes et des enfants de l'ethnie Hema, les hommes et les garçons ont soit été tués, soit ont choisi de rester dans leur village pour protéger les biens qu'il leur reste.
La résurgence de cette violence fait redouter une explosion semblable aux massacres qui, entre 1999 et 2003, ont fait plus de 60.000 morts. Aujourd'hui, le pouvoir est suspecté d'orchestrer ce conflit pour utiliser l'insécurité dans le pays afin de reporter les élections prévues en décembre prochain - alors même que le président Joseph Kabila aurait dû quitter le pouvoir en 2016.
"L'identité des assaillants n'est pas connue. Les mobiles même de leur opération sur le terrain ne sont pas connus", explique Kisembo Xavier Macky, directeur de l'ONG Justice Plus. "Il y a au moins une cinquantaine de personnes qui ont été arrêtées par les forces de sécurité sur le terrain. Il y a des tireurs de ficelles qui sont en train de profiter de vieilles tensions qui existaient entre les deux communautés, qui sont surtout en train de profiter du contexte électoral soit pour repousser les élections, soit pour se positionner."
Récemment, le président de la Commission nationale électorale, Corneille Nangaa, a affirmé que l'instabilité en Ituri pourrait "compromettre" la capacité du gouvernement à organiser des élections.
Mais à Kinshasa, les responsables politiques cherchent aussi à relativiser la portée de ce conflit. "C’est un conflit qui tend vers sa fin", affirme le conseiller diplomatique du président congolais, Barnabé Kikaya Bin Karubi.