Pourquoi tant de coups d'Etat au Niger ?
26 juillet 2023Beaucoup de Nigériens ne sont pas surpris que l’armée fasse irruption sur la scène politique, notamment en raison des frustrations liées à la situation sécuritaire. Le Niger est confronté aux attaques régulières et meurtrières de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda et l'Etat islamique au Sahel dans l'ouest, à Boko Haram et l'Etat islamique en Afrique de l’Ouest dans le sud-est. Il faut ajouter à cela la corruption et la mal gouvernance, explique le journaliste et directeur de publication du journal "L'Evénement", Moussa Aksar.
"Vous savez, il y a le problème sécuritaire dans toute la zone des trois frontières. On a vu l’afflux de réfugiés, des gens qui ont été chassés par les terroristes. Il y a aussi la gouvernance qui n'a pas changé, Bazoum a promis la lutte contre la corruption mais aujourd'hui les militants du PNDS, le parti présidentiel, qui ont posé des actes répréhensibles n'ont pas été inquiétés", se désole Moussa Aksar.
Autres facteurs du malaise, ajoute le journaliste, c'est que "certains se disent que Bazoum, c'est le binôme parfait de Issoufou Mahamadou. Ils ne s'y retrouvent pas. C'est peut-être cette situation qui fait qu'ils préfèrent soutenir une action comme ça, malgré qu'elle ne soit pas démocratique. Mais il y a aussi l'influence des réseaux sociaux, surtout en ce qui concerne le Burkina Faso et le Mali, où il y a vraiment un sentiment anti-français qui est en train de gangréner aussi la société nigérienne."
Car, faut-il le rappeler, le Niger est un partenaire privilégié de la France au Sahel. Et il y a eu plusieurs manifestations du mouvement M62, regroupant 15 organisations de la société civile, demandant le départ des forces françaises et plus généralement des forces étrangères du pays.
Cette tentative de coup d’Etat est un coup dur aussi pour les Occidentaux, qui croyaient que le Niger était un Etat stable, nous dit Ulf Laessing. L'expert allemand dirige le programme régional Sahel de la fondation Konrad Adenauer.
"Maintenant, nous avons détruit cette illusion que le Niger est un pays très stable qui pourrait stabiliser d'autres pays du Sahel. C'est en fait un mirage. Et aussi ceux qui vont profiter de cette situation, ce sont les groupes djihadistes actifs dans la zone des trois frontières avec le Mali et le Burkina, à savoir l'Etat islamique et le JNIM".
L'histoire du Niger jalonnée par les coups d'Etat
Depuis l’indépendance du pays, en 1960, il y a eu quatre coups d’Etat. Le premier en avril 1974, contre le président Diori Hamani. Le dernier coup de force a eu lieu en février 2010, il a renversé le président Mahamadou Tandja, lui-même installé au pouvoir par un coup d’Etat en 1999. A ces putschs s’ajoutent de nombreuses tentatives entre 2011 et 2021. La dernière tentative remonte au 31 mars 2021. Date à laquelle des officiers avaient tenté de renverser Mahamadou Issoufou, deux jours seulement avant la prestation de serment du président Mohamed Bazoum.
Pour Bounty Diallo, chercheur en sciences sociales à l’Université Abdou Moumouni de Niamey, cette résurgence de coups d’Etat au Niger s’explique par le manque de culture démocratique.
Des coups d’Etat symptomatiques d'un dysfonctionnement dans le processus démocratique, d’où la nécessité de renforcer les institutions du pays, dont notamment l'armée.