Pas de solution au Mali sans les Touaregs
15 février 2013Aux yeux d'un journal comme la Süddeutsche Zeitung, la reconquête militaire du Nord-Mali n'est qu'une première étape. Qui a vu flotter dans le vent du désert des drapeaux français hissés par des Maliens dans l'euphorie de la libération pourrait facilement succomber à l'illusion qu'il suffit de repousser ces guerriers de Dieu autoproclamés qui voulaient imposer leur islam de l'âge de la pierre, écrit le journal.
C'est de fait un pas indispensable, mais ce n'est que le premier pas. Il n'y aura de solution politique qu'avec les Touaregs du nord du Mali. Leurs insurrections ont une longue histoire derrière elles. Leurs revendications sont en partie compréhensibles, en partie déconnectées de la réalité. Et la légitimité de nombre de leurs dirigeants comme partenaires de négociation est extrêmement douteuse.
Sous la pression de la France et de l'Union européenne, poursuit le journal, le Premier ministre de la transition, Django Cissoko, a annoncé la tenue d'élections avant la fin juillet. Cela s'impose de toute urgence, car pour stabiliser le pays il faut un gouvernement doté d'une légitimation démocratique. Mais cette légitimation ne sera assurée que si les dizaines de milliers de ressortissants du Nord-Mali qui ont fui en Mauritanie et au Niger participent aux élections. Or beaucoup d'entre eux n'osent pas rentrer, ou n'ont tout simplement pas l'argent nécessaire. La communauté internationale, souligne le journal, doit donc s'attendre à une longue période d'instabilité au Mali.
Des Touaregs inquiets
La presse allemande a aussi rencontré à Bamako des Touaregs qui s'inquiètent pour l'avenir de leur communauté. Exemple : Mohamed Ag Ossade, du centre culturel touareg installé dans la capitale malienne. Die tageszeitung le présente sous les traits d'un homme extrêmement sollicité, non seulement par les journalistes mais aussi par les politologues étrangers.
La situation au Mali, dit-il, est extrêmement critique. Et il en attribue la cause, ou en tout cas l'une des causes, au massacre d'Aguelhok, dans l'extrême nord-est du Mali. En janvier 2012, le Mouvement de libération de l'Azawad, le MNLA, y a massacré plusieurs dizaines de soldats, mais aussi des civils. Un an plus tard, la confrontation avec le bain de sang d'Aguelhok se fait toujours attendre. À Bamako, les autres groupes ethniques ne pardonnent pas Aguelhok aux Touaregs.
Le même journal a rencontré, toujours à Bamako, Yehia Ag Mohamed Ali, lui aussi un Touareg, et depuis décembre 2012 ministre du Tourisme dans le gouvernement de transition. Selon lui, un changement durable ne pourra être opéré dans le nord du pays qu'avec la participation de la population. L'intégration des Touaregs ne passe pas par la distribution de postes ministériels ou autres. Nous n'avons besoin, souligne le ministre, ni d'une discrimination négative ni d'une discrimination positive. Nous avons besoin d'un État transparent pour tous. Et le ministre place aussi ses espoirs dans la commission de réconciliation qui doit être créée.
Une réconciliation difficile
Cette commission de réconciliation risque d'avoir fort à faire, si on en juge par les exactions ou actes de vengeance perpétrés dans le nord du pays. La presse allemande s'en fait l'écho. La Süddeutsche Zeitung a rencontré à Bamako un Touareg apeuré, Mohamed Agatta, qui dit risquer la mort s'il retourne à Tombouctou, sa ville natale. Tout laisse à croire, écrit le journal, que cette crainte n'est pas seulement le produit d'une imagination débordante.
Les armées française et malienne ont délivré Tombouctou des griffes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, poursuit le journal. Le problème numéro 1 est réglé, mais le problème numéro 2 s'amplifie. L'occupation puis les combats ont ouvert des plaies profondes. Les Arabes et les Touaregs, autrement dit ceux qui ont la peau claire, sont maintenant globalement soupçonnés d'avoir fait cause commune avec les terroristes.
Violeurs en uniformes
Les défenseurs des droits de l'Homme ont dénoncé de nombreuses violences sexuelles pendant l'occupation du Nord-Mali par les islamistes. En République démocratique du Congo, ce genre de violences ont déjà une longue tradition derrière elles. Les dénonciations n'y font rien. La preuve en est fournie par ce qui s'est passé à la fin de l'année dernière à Minova, une petite ville située sur les bords du lac Kivu, dans l'est de la RDC. Die tageszeitung rappelle dans un article comment l'armée gouvernementale, qui fuyait l'avancée rebelle, a attaqué Minova en novembre, et violé d'innombrables femmes.
Ce qui s'est passé là-bas en novembre 2012 a confiné à l'anarchie, souligne le journal. Après avoir abandonné Goma à la rébellion du M23, des milliers de soldats démoralisés se sont abattus sur Minova, ils ont pillé, se sont saoulés, ont fumé de la drogue, ont tiré à l'aveuglette, et ont violé des femmes et des jeunes filles.
À l'hôpital de Minova, le médecin chef Ghislain Kasongo montre les statistiques : 95 cas de viols traités en une semaine. Le chiffre réel est sans doute plus élevé, car les femmes ne se sont pas toutes rendues à l'hôpital. Deux soldats seulement ont été arrêtés, alors que la direction de l'armée tente de régler le problème à sa manière : dimanche dernier, note le journal, elle a fait rassembler plus de 700 soldats dans une église de Minova. Ils ont dû confesser leurs péchés et jurer de ne plus jamais recommencer. Après quoi ils se sont fait bénir.
Un nouveau mufti en Égypte
Enfin, la Süddeutsche Zeitung brosse un portrait du nouveau grand mufti d'Égypte, Chawqi Ibrahim Abdel-Karim. Un homme qui n'appartient ni aux Frères musulmans, ni aux salafistes. Il a été élu par les dignitaires de l'université al Azhar, la première élection libre du grand mufti depuis 60 ans, car jusqu'à présent c'est le président de la république qui désignait le titulaire du poste. Le grand mufti a toujours été un personnage important, souligne le journal. Il l'est encore plus depuis que les islamistes et leurs adversaires se disputent le pouvoir en Égypte.