Où est l'Etat centrafricain ?
13 février 2017En République Centrafricaine, un an après l'élection de Faustin Archange Touadéra à la présidence, la situation sécuritaire s’est dégradée. Les groupes armés ont intensifié leurs attaques contre les civiles :
Selon Benedykt Paczka, prêtre polonais joint à Bouar, dans l’Ouest du pays, à 400 km de Bangui, "dans la ville, la vie est tranquille, les écoles sont ouvertes, les autorités sont présentes. Il y a une bonne collaboration entre autorités et population. Mais à Bocaranga, à Nganda, les autorités sont toutes parties et c’est très inquiétant, là-bas les autorités ont vraiment peur d’être à côté de la population "
Les pouvoirs publics absents ?
Face aux groupes armés, l’Etat centrafricain peine à affirmer son autorité en-dehors de la capitale. En tout cas, dans certaines régions. à Bria, Kagabandoro, Bocaranga, les populations sont livrées à elles-mêmes.
Bocaranga est cette ville où une récente attaque a fait une vingtaine de morts civils. Un auditeur joint à Berbérati, dans le sud-ouest de la République centrafricaine, assure que là-bas, tout est calme. Mais à Bria, dans le sud-est , rien ne marche.
Selon Jean Maurice, habitant de Bria, ville abandonnée par les autorités, " Il n’y a rien qui fonctionne, il n’y a rien. L’administration, tout le matériel de bureau, tout est parti. Rien ne fonctionne. Nous vivons vraiment avec la peur dans le ventre. Nous nous sommes dans les provinces, nous ne voyons pas l’impact de l'Etat dans notre province, nous ne voyons rien! "
A Bria, seules les écoles privées sont ouvertes. La population se sent donc abandonnée.
Le politologue centrafricain, Jean Pierre Mala explique ainsi cette absence de l’Etat: "Pour que le Président de la République puisse exercer une autorité il lui faut une armée structurée. Cette armée structurée n’existe pas. Il y a une armée composée de huit mille hommes, ce sont des gens qui ont été formés pour protéger un seul homme, puisque, depuis des années, notre armée se limitait à assurer la sécurité présidentielle."
Le secteur de l’éducation est le plus affecté par la déficience de l’Etat. Le rapport national de 2015 montrait que seules 25% des écoles fonctionnaient dans la région de Nana-Grebizi, et 50 % à Ouaka, dans les préfectures de Vakaga et de Ouham, régions les plus affectées par l’insécurités de ces derniers mois.
Un problème structurel
Le politologue Andreas Mehler, directeur de l'Institut Arnold Bergstraesser à Fribourg, en Allemagne, identifie au micro de la DW un problème d'ordre structurel qui empêche l'Etat centrafricain d'établir son autorité sur le territoire.
Selon lui, "le pays lui-même a toujours été une création artificielle. Le cœur est basé à Bangui. Là, cela fonctionne à peu près. Mais dès que l'on s'éloigne de la capitale, l'Etat est quasi absent." Le chercheur estime que pour pacifier les périphéries, "il faut trouver un moyen de les contrôler, y restaurer le droit. Peut-être en instaurant des systèmes adaptés, à plusieurs vitesses ou en mettant en place un système fédéral".
Andreas Mehler regrette que la communauté internationale, surtout les Français, ait, une fois de plus, insisté pour que les élections se tiennent rapidement, afin de pouvoir se retirer au plus vite, alors que les problèmes structurels n'avaient pas été réglés : "les partis politiques sont faibles, l'Etat est faible, il n'y a pas de solution pour le contrôle des frontières, pas de financement pour les politiques économiques, comment contrôler les ventes des diamants extraits dans le pays etc. Il faut donc élaborer tout un modèle de fonctionnement pour cet Etat."