Au Niger, la bataille de l’uranium a commencé
21 juin 2024D’après les chiffres d’Euratom, la Communauté européenne de l’énergie atomique, datant de 2021, le Niger ne fournit que 4,7 % de la production mondiale d’uranium naturel, soit loin derrière le Kazakhstan avec près de 45 %.
Malgré tout, le Niger reste un fournisseur important. En 2022, un quart de l’approvisionnement en uranium naturel des centrales nucléaires européennes provenait du Niger.
Le pays est ainsi le deuxième pays fournisseur de l’UE, derrière le Kazakhstan et devant le Canada.
Et sur les dix dernières années, les 88.200 tonnes d’uranium naturel importées vers la France provenaient essentiellement de trois pays : le Kazakhstan avec 27 %, le Niger avec 20 % et presque le même pourcentage pour l’Ouzbékistan.
La part d’Orano
La multinationale Orano (ex-Areva), détenue à 90 % par l’Etat français, exploite trois mines au Niger, dont une seule est encore en activité : celle de l’Aïr. Arrivée quasiment à épuisement, son exploitation a toutefois été prolongée jusqu’en 2040.
Le site minier d’Akokan, à une dizaine de kilomètres d’Arlit, est fermé depuis fin mars 2021. Les réserves étant épuisées après quatre décennies d’exploitation.
Et il y a la fameuse mine d’Imouraren qui vient d’échapper à Orano. Elle est considérée comme l’un des plus grands gisements d’uranium au monde, avec des réserves estimées à 200.000 tonnes.
Et si Niamey venait à pousser définitivement dehors l’entreprise française comme exploitant et acheteur de son uranium, les nouveaux maîtres du pays pourraient se tourner vers la Russie, l’Iran ou encore la Chine, le plus important investisseur étranger au Niger, estiment certains observateurs.
Mais rien n’est préétabli, explique Bana Ibrahim, un juriste proche de la junte au pouvoir à Niamey : "D’après le gouvernement, le Niger ne se privera d’aucun partenaire stratégique, y compris les Occidentaux. Le Niger est ouvert à tous les partenaires : les Russes, les Chinois, les Iraniens, tout comme les pays occidentaux, seront les bienvenus."
On parle beaucoup de la présence française à travers Areva, qui est devenue aujourd'hui Orano, parce que c'est l'entreprise qui était historiquement présente.
Il y a d'autres acteurs
Il y a notamment les Chinois qui ont une mine d'uranium au Niger. Une société canadienne a obtenu il y a une dizaine d'années l'autorisation d'exploiter le gisement d'uranium de Madaouela, à quelques kilomètres d'Arlit.
On note également une présence japonaise, via des actions dans des mines d’uranium, ainsi qu’espagnole.
Un autre pays qui exploite l’uranium nigérien est le Canada, pourtant deuxième producteur mondial.
"Ils étaient au Niger avant de devenir eux-mêmes grands producteurs et l’uranium du Niger est un peu différent de celui du Canada. La méthode d'exploitation de l'uranium du Canada est différente de celle du Niger. Au Niger, l’uranium est sorti de terre, on peut dire un peu plus sec que celui du Canada, qu’il faut filtrer avec de l'eau et c'est beaucoup plus lourd à produire. Donc, c'est pour cette raison, à mon avis, que l'entreprise canadienne est présente au Niger", a expliqué l’analyste Seidik Abba,
Quant à Orano, Seidik Abba précise que c’est en 2009, après l’intervention du président français d’alors, Nicolas Sarkozy, que le Niger avait cédé le site d’Imouraren à la firme étatique française.
Dans l’accord en question, toujours selon Seidik Abba, il est mentionné que le site tomberait dans le domaine public si, cinq ans après la signature du contrat, Orano ne venait pas à lancer son exploitation.
Il précise aussi qu’en 2023, avant le coup d’Etat, le président Mohamed Bazoum avait accordé un permis de recherche et d’exploration sur le même site à Orano. Ce que dénoncent les militaires au pouvoir.