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Serge Adou, un journaliste au cœur des tensions régionales

25 septembre 2024

La disparition du journaliste Serge Adou à Niamey survient dans un climat de tensions diplomatiques entre son pays d'origine, la Côte d'Ivoire, et les Etats de l'Alliance du Sahel.

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Les président des junte du Mali, du Niger et du Burkina Faso.
La Côte d'Ivoire est accusée par les régimes militaires de l'Alliance du Sahel, qui inclut le Niger, le Burkina Faso et le Mali d’être un relais des intérêts français dans la région pouvant les destabiliser. Image : Mahamadou Hamidou/REUTERS

Le 31 août dernier, Serge Mathurin Adou, un journaliste d'origine ivoirienne, a disparu à Niamey après avoir été convoqué par la police judiciaire.

Basé au Niger, Serge Mathurin Adou est cité dans une affaire de tentative de déstabilisation au Burkina Faso. Le ministre de la Sécurité burkinabè, Mahamoudou Sana, a mentionné son nom parmi ceux accusés d’avoir cherché à déstabiliser le pays.

La disparition d’Adou n’est pas un incident isolé, mais pourrait refléter les tensions entre les régimes militaires du Sahel et les États perçus comme proches de la France, tels que la Côte d'Ivoire et le Bénin.

Le capitaine Ibrahim Traoré, chef de la junte au Burkina Faso, accuse régulièrement la Côte d’Ivoire d’être un relais des intérêts français dans la région. Serge Adou pourrait donc être victime de cette tension.

Un journaliste pris entre diplomatie et conspiration

Les journalistes et les acteurs de la société civile se trouvent piégés entre des gouvernements en quête de légitimité et une géopolitique régionale explosive, selon Seidik Abba, spécialiste du Sahel.

"Il y a derrière tout cela l’animosité entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Ce n’est pas surprenant que Serge Mathurin, qui a la double nationalité nigérienne et ivoirienne, soit pris dans cet engrenage auquel il est peut-être étranger", estime Abba.

Symbole des médias au Niger
Le journaliste nigérien d'origine ivoirienne, Serge Maturin Adou, - qui a disparu à Niamey depuis le 1er septembre - a également été cité parmi les auteurs de ce "complot".Image : DW/Bilderbox.com

Cette affaire survient alors que la junte burkinabè, embourbée dans sa lutte contre les groupes djihadistes, pourrait être tentée de détourner l'attention de ses échecs en accusant des acteurs étrangers de tentative de déstabilisation.

Le Burkina Faso est en effet confronté à une recrudescence d'attaques terroristes, dont la plus récente, à Barsalogho le 24 août, a causé la mort de plusieurs centaines de villageois.

En accusant Serge Mathurin Adou et une quinzaine d'autres personnes d’être les instigateurs d’un complot, le pouvoir militaire burkinabè pourrait chercher à faire diversion face à son maigre bilan en matière de sécurité, dans un pays où les groupes djihadistes contrôlent une grande partie du territoire.

La junte burkinabè : entre défis sécuritaires et tensions régionales

En pointant du doigt les pays étrangers, les juntes du Sahel cherchent à renforcer leurs discours anti-impérialistes tout en dissimulant leurs propres faiblesses, explique Seidik Abba.

"Chaque fois qu’on évoque un projet de déstabilisation venu de l’extérieur, il y a une volonté de resserrer les rangs à l’intérieur. C’est une technique que l'on observe fréquemment au Sahel ces derniers temps", a-t-il déclaré.

Le massacre de Barsalogho est le dernier d'une série d’attaques qui illustrent les difficultés de l’armée burkinabè à protéger les civils dans les zones rurales.

Comme au Niger et au Mali, la junte burkinabè est confrontée à une crise de légitimité interne, aggravée par des difficultés économiques et sécuritaires. En désignant des journalistes et des acteurs civils comme des conspirateurs, elle cherche à détourner l’attention de ses propres faiblesses.