Le gouvernement nigérien devra relever des défis sociaux
10 août 2023Le gouvernement conduit par le Premier ministre Ali Mahamane Lamine Zeine vient tout juste d'être formé au Niger. Depuis sa prise de pouvoir, la junte militaire n'a pas encore eu – ou pris – le temps de présenter de véritable programme politique et social.
Ali Mahamane Lamine Zeine est à la tête d'un gouvernement composé de 21 membres. Le Premier ministre est un économiste connu au Niger, qui a été ministre des Finances quand Mamadou Tandja était encore président.
Mais aux postes clefs de la Défense et de l'Intérieur, on retrouve deux généraux : Salifou Mody et Mohamed Toumba, respectivement numéro 2 et numéro 3 du Conseil national pour la sauvegarde de la partie (CNSP).
A la Jeunesse et aux Sport, à la Santé publique et aux Affaires sociales, aux Transports, à l'Hydraulique, Assainissement et Environnement, on retrouve également des officiers de l'armée.
Autant dire que le Premier ministre n'aura pas totalement les coudées franches, entouré de militaires dans son équipe.
Des orientations encore floues
Le général Abdourahmane Tiani, le chef de la junte, n'a pas encore annoncé les grandes lignes de sa politique sociale à la nation. Au-delà de grands principes comme la "promotion de l'éducation" ou la promesse de restaurer la "bonne gouvernance", les putschistes n'ont pas encore précisé leur vision de la société nigérienne.
Jusqu'à présent, ils ont surtout insisté sur la frustration "corporatiste" de militaires de carrière. Et profité d'un mécontentement populaire réel vis-à-vis de la situation qui prévaut au quotidien qu'ils attisent en brandissant chaque jour la menace d'une attaque extérieure : de la Cédéao ou même de la France, accusée de soutien aux djihadistes.
Les coupures de courant
Il y a les tracas de tous les jours comme les coupures d'électricité dans certains quartiers de la capitale, plus importantes depuis la fermeture de la frontière avec le Nigeria.
Rabiou Malam Issa, secrétaire général chargé des projets du Collectif des organisations pour la défense du droit à l'énergie préconise de miser sur une nouvelle politique énergétique qui permette plus d'indépendance au Niger.
En achevant par exemple la construction des deux centrales électriques prévues, dont l'une, de 30 mégawatts, dans la périphérie de Niamey, est presque terminée. Et sans forcément compter sur la Banque mondiale et l'aide française au développement qui finançaient en grande partie ces projets jusqu'à présent.
"Avec la situation dans le pays, nous demandons aux autorités de penser à une solution nationale, déclare Rabiou Malam Issa. Et le pays est debout, il peut se tourner vers de nouveaux partenaires comme l'Inde, la Chine, la Malaisie, l'Iran, la Russie… où est le problème ?"
Améliorations espérées au quotidien
Mais les revendications touchent aussi à des problèmes plus sociaux. Ecoutez à ce propos Mamane Kakatouda. Il est le responsable en charge des questions de la jeunesse au sein de l'association Alternative espace citoyen, à Niamey et insiste notamment sur l'éducation, "priorité absolue" selon lui :
"Des millions d'enfants n'arrivent pas à aller à l'école. Déjà en temps normal, cela n'est pas effectif et sur cela est venue se greffer la question sécuritaire, notamment dans la région de Tillabéry, de Diffa, un peu vers Taoua où des milliers d'enfants n'arrivent pas [à être scolarisés]. Or le développement de tout pays commence par l'éducation."
Mamane Kakatouda évoque aussi l'accès aux soins, la modernisation des hôpitaux, la lutte contre l'insécurité alimentaire, contre la corruption et pour une meilleure gestion des biens publics.
"Tous les dix ans, on entend parler d'un coup d'Etat au Niger, déplore-t-il. Je pense que c'est un recul très grave. On aspire au développement, à mieux vivre. Mais pas à ce qu'après un ou deux mandats, il y ait une interruption des forces de l'ordre et qu'on reparte à zéro, qu'on doive faire un an ou deux ans de transition puis restaurer la démocratie, puis continuer. On sait qu'il y a des défaillances, des manquements, mais pour nous, la démocratie reste le moins mauvais des régimes. Tant qu'on n'est pas dans une démocratie, on n'a aucune garantie que nos droits soient respectés. C'est pourquoi je dis que ce point est fondamental de mon point de vue."
Mais avant tout, il faut maintenant attendre de voir comment la situation va évoluer, suite au sommet de la Cédéao d'aujourd'hui notamment, où le ton a semblé plus modéré. Car, pour l'heure, comme le dit Mamane Kakatouda "on ne sait pas ce qui va se passer demain".
Sommet de la Cédéao
Le sommet qui a réuni ce jeudi [10.08.23] les dirigeants des pays d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a pris fin à Abuja. Bola Tinubu, président du Nigéria et président en exercice de la Cédéao, a déclaré que "toutes les options sont toujours sur la table, y compris l'usage de la force en dernier recours".
La Cédéao a ordonné l'activation de sa force d'intervention en "stand-by", selon le communiqué final lu à la clôture du sommet.