Mpox : quel vaccin et quelle efficacité ?
30 août 202422.863 : c'est le nombre de cas suspects de mpox détectés en Afrique au 27 août, selon Africa CDC, le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies, qui avance également le chiffre de 622 en ce qui concerne les décès sur le continent. L'épidémie continue de progresser et l'on espère l'arrivée prochaine des vaccins pour accélérer la riposte, notamment en République démocratique du Congo, pays le plus touché par l'épidémie actuelle.
Le docteur Placide Mbala est virologue et chef du département d'épidémiologie et de santé globale à l'Institut national de recherche biomédicale (INRB) en RDC. Il donne des précisions sur les vaccins contre la mpox et aussi qui pourrait en bénéficier dans l'urgence. Il explique également pourquoi cette épidémie est un problème mondial.
Écoutez ou lisez l'interview ci-dessous :
DW : Selon le directeur général de l'Africa CDC, le docteur Kaseya, près d'un million de doses de vaccin devraient arriver dans les prochains jours, en Afrique centrale notamment. Mais on est encore loin du compte puisque, selon les plans de vaccination, on parle de 10 millions de doses nécessaires dans les pays touchés. Est-ce qu'il faut qu'on attende encore longtemps ?
Dr. Mbala : Ce problème ne pourra jamais être résolu si on n'arrive pas aussi à avoir des moyens de pouvoir produire des vaccins sur le continent. Et c'est ce qui permettra pour moi à la longue, que l'on soit également en mesure de pouvoir répondre aux besoins liés aux vaccins, à l'accès aux vaccins sur notre continent.
Parce qu'on parle de mpox aujourd'hui, mais lorsqu'on parle de vaccin, il n'y a pas que le mpox. Il y a toutes ces maladies évitables par la vaccination pour lesquelles nous avons besoin de vaccins, Même dans le cadre de la vaccination de routine. Donc ce qui fait qu'on doit déjà se dire qu'il n'y aura jamais de vaccin, de doses suffisante pour pouvoir vraiment vacciner tout le monde.
Parce que le problème de mpox, ce n'est pas seulement un problème continental, mais c'est un problème mondial. Aujourd'hui, tous ceux qui sont nés après 1980 c'est-à-dire après l'arrêt de la vaccination de la variole, sont susceptibles de pouvoir contracter le mpox, partout dans le monde. Et lorsqu'on compte quel est le pourcentage de la population mondiale née après 80, c'est énorme !
Vous voyez ce qui fait que le virus trouve vraiment un milieu, si je peux dire, propice pour pouvoir passer d'une population à une autre, d'un pays à un autre, c'est quand l'immunité collective est franchement très basse.
DW : Oui, à ce sujet, justement pourquoi ceux qui n'ont pas été vaccinés contre la variole sont à risque ?
Dr. Mbala : En fait, c'est parce que la variole et le mpox sont des virus de même famille, de même genre. D'ailleurs, le mpox était confondu avec la variole parce que même sur le plan clinique, ces deux maladies sont pratiquement similaires. Mais la différence est que la variole était beaucoup plus mortelle parce que la variole, c'est la seule maladie qui a été éradiquée.
Le vaccin qui a été utilisé contre contre la variole, c'est la vaccine qui est un autre virus de la même famille, du même genre et qui donne une immunité croisée contre la variole et également contre le mpox.
DW : Et quand on parle des vaccins actuellement contre le mpox, de quels vaccins il s'agit concrètement ? Quel est le nom de ce ou ces vaccins et qui les produit ?
Dr. Mbala : Pour le moment on a deux vaccins. Par exemple pour la RDC, il y a deux vaccins qui ont été approuvés par le ministère de la Santé. Il y a le Bavarian Nordic qui produit le vaccin Jynneos. Et puis il y a le LC 16 M8 qui est produit par une compagnie japonaise.
DW : et à qui seront destinés les premières doses qui vont arriver en RDC?
Dr. Mbala : Il y a un plan de vaccination qui est en place et il y aura certainement un plan de priorisation parce que le plan prévoit un certain nombre de doses de vaccin et en fonction de ce que l'on recevra comme dose de vaccin, le ministère de la Santé ainsi que le programme qui s'occupe de la riposte pourra adapter ce plan pour voir quelles sont les populations qui pourront être priorisées en fonction des doses de vaccin qui seront disponibles.
DW : Certains parlent des personnes à risque, des enfants par exemple, qui sont plus vulnérables.
Dr. Mbala : Oui, il y a les enfants, comme on le sait bien, lorsqu'on prend dans la globalité en RDC, ce sont les enfants de moins de quinze ans qui sont les plus affectés. Donc naturellement, ça sera également une population qui pourra être priorisée. Mais de l'autre côté, nous savons que, avec la transmission sexuelle, il y a les professionnels de sexe, il y a les autres groupes, notamment les adolescents et les autres groupes à risque dans les communautés touchées, qui peuvent être également ciblés pour cette vaccination.
DW : et que sait-on au sujet de l'efficacité même des vaccins. Est ce qu'ils peuvent être administrés sans danger pour les enfants par exemple ?
Dr. Mbala : Alors pour le moment, il y a des études qui sont réalisées, des études d'innocuité réalisées par exemple chez les adultes, chez les adolescents, pour le vaccin jynneos. Je n'ai pas encore d'informations sur l'innocuité chez les enfants, mais je pense que le vaccin LC 16 a également des résultats sur les études de l'innocuité chez les enfants. Ce qui fait que par exemple, pour la RDC, on préconise de donner le LC 16 chez les enfants et le jynneos chez les adolescents et les adultes. Donc là, l'idée ici, c'est aussi de profiter de cette occasion pour pouvoir non seulement évaluer l'efficacité de ces vaccins parce que dans notre contexte, ce n'est pas encore connu. C'est vrai qu'il y a des études d'efficacité sur terrain et dans les autres pays. Mais je pense qu'il est important de pouvoir le réaliser également dans un autre contexte, parce que les populations sont différentes et il y a encore beaucoup d'interrogations.
DW : Vous ne craignez pas que la RDC serve un peu de cobaye entre guillemets ?
Dr. Mbala : Non, je ne pense pas, parce que c'est très important de pouvoir réaliser ces études. Nous l'avons fait avec le Tecovirimat qui etait utilisé déjà même pendant les épidémies globales de 2022 et qui continuent pratiquement à être utilisées ailleurs. Mais nous l'avons prouvé avec notre essai clinique que nous avons réalisé que le médicament n'avait pas de bénéfices avérés lorsqu'on l'a comparé avec les soins standards appropriés. Donc là, on pouvait bien montrer à nos populations qu'en donnant des soins standards appropriés, on pouvait bien prendre en charge les patients qui souffraient du mpox.