L'Allemagne espère une relance du moteur franco-allemand
25 avril 2022Olaf Scholz a été le premier dirigeant étranger à appeler Emmanuel Macron pour le féliciter de sa réélection. Petite anecdote relevée par la presse allemande aujourd'hui : dans son message de félicitations, le chancelier allemand tutoie Emmanuel Macron, une façon de marquer leur proximité.
D'ailleurs, le premier déplacement à l'étranger du président francais réélu sera pour rencontrer Olaf Scholz. Mais il faudra davantage que des messages de félicitations ou un tutoiement pour relancer vraiment le "moteur franco-allemand" dans les trois prochaines années.
Un point sur les grands dossiers à traiter ensemble par les dirigeants des deux pays.
Un "ouf" de soulagement
Hormis l'AfD, le parti de droite populiste allemand qui a félicité Marine Le Pen pour son score au second tour de la présidentielle française, la quasi-totalité de la classe politique allemande acueille avec soulagement la victoire d'Emmanuel Macron et parle d'une victoire pour l'Europe.
Saskia Esken, co-présidente du SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz, a même tweeté hier qu'elle "dans[ait]” de joie. Voici pourquoi, comme elle l'a expliqué sur Deutschlandfunk :
"Dans cette époque difficile, où il y a la guerre sur le territoire européen, où la liberté et la démocratie ne sont pas seulement menacée en Ukraine mais sur l'ensemble de notre continent, il faut bien dire que la réélection d'Emmanuel Macron est le signe que l'Europe reste stable et qu'elle a les moyens d'agir. C'est pourquoi je suis très, très contente.”
Après Merkel
La marge de manoeuvre d'Emmanuel Macron dépendra des résultats des législatives, en juin.
La guerre en Ukraine a relancé l'idée d'une défense européenne qui piétine depuis des années.
Les échanges avec la France, en bilatéral ou au sein de l'Otan, fonctionnent, souligne Saskia Esken qui rappelle que les deux pays étaient d'accord sur les sanctions envers la Russie.
Mais de nombreux éditorialistes notent aujourd'hui que le "moteur franco-allemand" n'est plus aussi puissant qu'à une certaine époque en Europe. Durant les années de pouvoir de l'ancienne chancelière allemande Angela Merkel, l'Allemagne était moins proche de Paris.
Raviver l'Europe
D'où les appels au chancelier Olaf Scholz à agir davantage, pour un renforcement politique et militaire de l'Union européenne et du couple franco-allemand, pour minimiser les risques de scissions au sein d'une Europe où des millions de personnes sont tentées par l'extrême-droite et le nationalisme, après des années sans réforme des structures européennes qu'ils considèrent trop éloignées de leurs préoccupations quotidiennes.
L'écologiste Franziska Brantner, secrétaire d'Etat rattachée au ministère allemand de l'Economie, rappelle, chez nos confrères de Deutschlandfunk, qu'au contraire, la coalition actuellement au pouvoir à Berlin (SPD, Verts, FDP) s'est, par contrat, fixé pour objectif d'oeuvrer à une plus grande souveraineté et à la démocratisation de l'UE, aux côtés d””une France forte” :
"Il y a le paquet européen pour la protection du climat qui en est à la dernière étape de négociation. Nous devons montrer que cela nous tient à coeur. Mais aussi la diminution de notre dépendance des chaînes d'approvisionnement en matières premières, la création de mécanismes pour réguler la concurrence déloyale... tout cela est dans notre contrat de coalition et ce sont aussi des points du programme d'Emmanuel Macron. Nous devons y travailler ensemble. D'autant que la France préside en ce moment le Conseil européen.”
Coopération majuscule
A la direction de la Conférence de Munich pour la sécurité, on espère que la France ne fera plus cavalier seul, comme lorsqu'elle a décidé de retirer ses troupes du Mali.
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Autres points à l'ordre du jour franco-allemand : la politique énergétique, avec le développement de l'hydrogène et les dissensions sur le nucléaire, mais aussi des politiques de transport et d'autres innovations technologiques et industrielles.
Ce que résume Valentin Maigre en ces termes. A 28 ans, il a milité dans le mouvement des "Jeunes pour Macron” : "Aujourd'hui, la France sans l'Allemagne n'est rien, mais l'Allemagne sans la France n'est rien non plus. Je pense qu'il voudra travailler avec l'Allemagne le plus possible, pour faire des géants du numérique, des champions industriels. Et cela devra passer par une coopération avec l'Allemagne.”
Franziska Brantner espère que ce nouveau mandat permettra de mettre de côté les réserves, du FDP notamment, envers Emmanuel Macron, soupconné de se servir de l'Europe pour renforcer l'industrie française aux dépens de l'industrie allemande.