La mission de médiation africaine en Ukraine avant la Russie
16 juin 2023Une mission qui "se déroule plutôt bien et comme prévu" : c'est ainsi que la présidence sud-africaine qualifie le déplacement de la délégation africaine, initialement présenté comme une mission de paix face à la guerre en Ukraine, la première étape d'une mission dont les ambitions semble avoir été revues à la baisse.
Aussitôt arrivé en Ukraine, c'est à Boutcha, théâtre du massacre de centaines de civils, imputé à l'armée russe, que la délégation de dirigeants africainss'est rendue.
Une première étape plutôt mouvementée puisque des sirènes anti-aériennes, suivies d'explosions, ont retenti à Kiev peu après. L'armée de l'air ukrainienne a indiqué avoir abattu douze missiles russes.
Selon Dmytro Kouleba, le chef de la diplomatie ukrainienne qui assuré sur twitter que cette attaque de missiles est la plus importante contre la capitale depuis des semaines, ces frappes sont un "message à l'Afrique : la Russie veut plus de guerre, pas de paix".
En pleine contre-offensive ukrainienne avec une intensification des combats, des interrogations persistent sur la pertinence de la démarche d'une mission africaine, affaiblie par ailleurs par la défection de certains des participants à la dernière minute.
Mais les membres de la délégation veulent rester optimiste. Le président zambien, Hakainde Hichilema a insisté sur l'importance de la paix. " L'instabilité, où que ce soit, c'est l'instabilité partout. L'humanité est une. Nous devons donc tous nous concentrer sur la paix, la sécurité et la stabilité pour stimuler le développement ", a-t-il assuré.
La guerre en Ukraine a eu comme conséquence la diminution des exportations de céréales et d'engrais ukrainiens et russes, et donc une flambée des prix jusqu'en Afrique.
Moscou menace d'ailleurs toujours régulièrement de se retirer de l'accord sur les céréales ukrainiennes, conclu en juillet 2022.
Cet accord crucial a été une nouvelle fois prolongé en mai jusqu'au 17 juillet. Il a permis de soulager la crise alimentaire provoquée par le conflit. Une crise alimentaire qui touche également l'Afrique.
Pas de grandes attentes
Après l'Ukraine et des échanges avec le président Volodymyr Zelensky, les membres de la délégation africaine, composée des présidents sud-africain Cyril Ramaphosa, sénégalais Macky Sall et zambien Hakainde Hichilema, ainsi que le président comorien Azali Assoumani, à la tête de l'Union africaine depuis février, et des représentants congolais, ougandais et égyptien, doivent rencontrer samedi (17.06) le président russe Vladimir Poutine à Saint-Pétersbourg, dans le nord-ouest de la Russie.
Certains, comme l'expert en gouvernance Dany Ayida, restent toutefois dubitatifs quant à l'impact de la mission africaine sur la résolution de la guerre en Ukraine.
"Sur le plan purement diplomatique, la démarche semble hasardeuse (...). A part l'Afrique du sud qui appartient aux Brics, qui est un ensemble de plus en plus puissant sur le plan international, les autres pays dont les dirigeants sont engagés dans cette aventure ne pèsent pas grand-chose (...) Il faut à mon avis repenser l'Afrique en tant qu'ensemble géographique et géopolitique à long terme et permettre aux Africains d'être pris au sérieux sur la scène internationale quand on veut parler en leur nom", explique-t-il à la DW.
Les pays africains ont des opinions divergentes au sujet de la guerre en Ukraine. Ils ont dénoncé moins unanimement que les Occidentaux l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Appel à la désescalade
L'Afrique du Sud, dont le président est membre de la délégation qui tente une médiation, est même soupçonnée de livraison d'armes à la Russie.
Critiqué pour sa proximité avec Moscou, Prétoria a, depuis le début de la guerre, affirmé vouloir privilégier le dialogue.
A Kiev, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a appelé l'Ukraine et la Russie à la "désescalade".
C'est dans ce contexte que la ministre française des Affaires étrangères sera en Afrique du sud en début de semaine prochaine où elle évoquera notamment la question de l'Ukraine et reparlera de la proposition de médiation africaine.
L'Otan de son côté a salué aujourd'hui la mission de paix menée par des dirigeants africains en Ukraine et en Russie, mais a averti que seule une solution "juste" considérant la Russie comme l'agresseur fonctionnerait.