Massacre de Moura : l'Onu accuse, Bamako nie
12 mai 2023C'est un rapport accablant pour l'armée malienne. Dans son rapport sur Moura, le Haut-Commissariat aux droits de l'Homme de l'Onu parle d'éxécutions, de viol et d'autres formes de violences sexuelles, ainsi que d'actes de torture sur des personnes arrêtées. Les autorités maliennes continuent d'assurer que les personnes tuées étaient des terroristes.
Le rapport, présenté comme le résultat des investigations d'une mission d'établissement des faits du Bureau des droits de l'homme des Nations unies, revient sur ce qui s'est concrètement passé à Moura, du 27 au 31 mars 2022.
L'Onu confirme les enquêtes de HRW
La mission a enquêté pendant sept mois à Bamako, Douentza, Mopti, Ségou et Sikasso.
Plus d'une centaine d'entretiens ont été conduits, notamment avec des personnes qui ont fui Moura à la suite de l'opération militaire, ainsi que des personnes arrêtées au cours de cette opération et qui ont été par la suite libérées.
Des membres de la société civile, des humanitaires, des autorités civiles et militaires maliennes ont également été approchées par les enquêteurs, assure le rapport.
Et c'est sur la base des informations collectées que le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCR) estime qu'au moins 500 personnes ont été tuées par l'armée malienne et des soldats étrangers, en violation des droits de l'homme et du droit international humanitaire.
Selon Ilaria Allegrozzi, chercheuse pour Human Rights Watch, le rapport de l'Onu ne fait que confirmer le résultat des recherches de sa propre organisation publiés déjà l'année dernière, quelques semaines après les faits.
"Les enquêtes de HRW avaient déjà révélé que pendant plusieurs jours, fin mars, les forces de l'armée malienne et des soldats étrangers identifiés comme des Russes avaient exécuté par petit groupe des centaines de personnes à Moura. Plus d'un an après les massacres, les victimes et leurs familles attendent toujours la justice", explique-t-elle à la DW.
Si HRW parle sans détours de Russes ayant appuyé les forces maliennes, le rapport de l'Onu se contente pour sa part d'évoquer des "personnels militaires étrangers".
Un rapport "fallacieux" pour Bamako
Outre les morts, le rapport de l'Onu révèle également des viols mais aussi des tortures et traitements cruels, inhumains ou dégradants, notamment sur des prisonniers, aussi bien à Moura, à Sévaré qu'à Bamako, à l'Agence nationale de la sécurité d'Etat.
Pour Fousseyni Ouattara, vice-président du Comité de défense et de sécurité du Conseil national de la transition, qui constitue l'organe législatif du Mali, le rapport de l'Onu n'est pas crédible.
" Sur un terrain de guerre chaque fois que nous agissons, pourquoi l'Onu ou d'autres trouvent que ce sont des civils ? Ce sont des gens qui avaient des armes… Les gens qui étaient à Moura étaient des terroristes. Le rapport de l'Onu est un rapport fallacieux, tendancieux qui n'est basé sur aucune preuve. Nous avons pris le soin d'attirer les gens dans un piège et il n'y avait pas de civils. Les témoins de l'Onu ce sont des gens qui sont payés par l'Onu (...). Ce sont des gens qui ne sont pas crédibles et qui ne sont pas sur le terrain", réagit Fousseyni Ouattara.
Si le rapport de l'Onu a pu établir qu'une trentaine de membres de la Katiba Macina ont été tués au cours de l'opération à Moura, il indique également que les tirs effectués lors du premier assaut du 27 mars 2022 ont tué de manière indiscriminée une vingtaine de civils.
L'opération se serait soldée au final par au moins 500 morts, y compris une vingtaine de femmes et sept enfants, exécutés entre le 27 et le 31 mars 2022.
Dans son rapport, l'Onu fait une série de recommandations, notamment à l'endroit des autorités maliennes. Il leur est demandé de s'assurer que les enquêtes annoncées sur les exactions à Moura soient menées de façon indépendante et de poursuivre tous les présumés auteurs pour rendre justice aux victimes. L'organisation demande également à la Minusma et aux pays tiers d'appuyer le Mali dans ce processus.