Mali : des divisions persistent sur la laïcité
15 mai 2023La Ligue des imams du Mali et plusieurs autres organisations musulmanes avaient recommandé à la commission de rédaction de la nouvelle Constitution d’intégrer certains points, comme la prestation de serment du futur président de la République sur le coran, ou encore la glorification du nom de Dieu dans le préambule de la nouvelle Constitution.
Mohamed Kimbiry, président du collectif des associations musulmanes du Mali, se dit frustré par la non prise en compte de leurs préoccupations, au rang desquelles figure également la remise en cause de la laïcité de l’école publique : "Le projet de Constitution, dans son article 11, stipule que l’enseignement est obligatoire, gratuit et laïc. Mais avec la refondation de l’Etat, le Malicoura (le Mali nouveau), nous avions pensé que certaines lois anti-religieuses seraient abrogées dans le projet de nouvelle Constitution."
Le président du collectif des associations musulmanes du Mali estime que "le maintien de la laïcité de l’école a conduit les générations de l’après indépendance à la promotion d’une gouvernance sans Dieu, une gouvernance athée et une aversion viscérale vis-à-vis de l’islam."
Islamisation du Mali ?
Mais pour Djaworo Gabriel Tienou, traditionnaliste et pratiquant du culte des ancêtres, à savoir l’animisme, l’objectif de ceux qui s’opposent au maintien du mot laïcité dans le projet de nouvelle Constitution serait l’islamisation du pays.
"Certains aspirent à une autre forme de République et estiment que la laïcité pourrait constituer un frein à leur vision de la chose religieuse, à leurs ambitions de gouvernance. Je veux parler d’un Etat islamique par exemple qui est promis par un certain nombre de Maliens, beaucoup plus également par un courant religieux qu’on pourrait appeler le wahhabisme. Ceux-ci estiment que le Mali est suffisamment islamisé pour adopter un contexte beaucoup plus favorable à la religion, en lieu et place de l’ensemble des cultes et pratiques religieuses", explique Djaworo Gabriel Tienou.
Selon Ibrahim Ndiaye, membre du Haut conseil islamique, une institution qui chapeaute les organisations islamiques du Mali, l’erreur toutefois serait de mélanger Constitution et religion. "La Constitution n’est pas une affaire religieuse", insiste Ibrahim Ndiaye.
Il ajoute que "la Constitution est claire et nette. Elle détermine les pouvoirs publics, le rôle des institutions, les relations entre les institutions, les libertés fondamentales, les devoirs des citoyens et les différents pouvoirs ainsi que leurs interactions. C’est cela la Constitution. Nulle part, on ne fait évocation de la religion."
La Ligue des imams du Mali (Limama) et une vingtaine d’associations qui s’opposent au maintien du mot laïcité dans le projet de nouvelle Constitution indiquent qu’elles feront savoir leur position avant le 2 juin prochain, date de l’ouverture de la campagne électorale en vue du référendum constitutionnel.