La bataille médiatique s'intensifie au Mali
23 novembre 2023En marge des combats, l'armée malienne et les ex-rebelles touaregs s'affrontent aussi sur les médias classiques et réseaux sociaux, notamment sur X, TikTok, Instagram et Facebook, au travers de comptes de soutien, dont beaucoup ont été créés récemment. Des opinions se forgent ainsi en décalage parfois avec la réalité et laissent redouter une escalade de la violence dans le pays.
Photographies et vidéos utilisées hors contexte, des images détournées, des allégations répétées pour discriminer une autorité, une institution ou une puissance étrangère : les visages de la désinformation au Mali sont multiples.
Beaucoup de fake news
La pression exercée sur les médias locaux empêche les journalistes de traiter des sujets sensibles et pousse les populations à s'accrocher à des outils comme les réseaux sociaux qui favorisent la désinformation.
"Il y a beaucoup d'activistes ici, on les appelle les videomen, qui, animés d'un esprit qui se veut patriotique, produisent des informations qui ne sont pas vraies" explique Alexis Kalanbry, journaliste et directeur de publication du journal Mali Tribune. Il précise par ailleurs que "chaque fois qu'il y a un événement, une crise, il y a une prolifération d'informations allant dans un sens comme dans l'autre". Le journaliste donne l'exemple de la reprise de Kidal par l'armée qui "a entraîné beaucoup de fake news produits par la rébellion… Il y a une guerre d'opinion, une bataille médiatique sur les réseaux qui désarçonne un peu la presse."
Que ce soit l'armée ou les rebelles touaregs, chaque camp donne sa version de ce qui se passe sur le terrain et cherche à décrédibiliser celle de l'adversaire en la présentant comme de la propagande.
L'armée et les autorités ont, selon Abdoulaye Guido, expert en vérification des faits, profité de ce climat pour accroître la pression sur l'indépendance des journalistes.
"Il se trouve qu'en fonction du contexte, on veut pousser les journalistes à avoir un traitement outre que ce que l'éthique et la déontologie leur demandent" explique-t-il.
Selon Abdoulaye Guido "il y a les appels incessants des autorités aux médias à traiter de façon patriotique l'information suivant le bon vouloir du régime en place. On dit que pendant la guerre, il n'y a pas de médias indépendants, le média doit être au service de son pays."
"Démêler le vrai du faux"
Pour mieux contrôler l'information, la télévision d'Etat malienne a lancé le mois dernier une émission mensuelle de vérification des faits. Le but officiel est de parcourir, sur les réseaux sociaux, les images et documents concernant l'armée malienne afin de vérifier leur véracité.
Cette émission, appelée "Démêler le vrai du faux", a ainsi consacré son premier numéro à la vérification d'images, qui étaient présumées fausses, de matériels militaires maliens détruits par les rebelles touaregs et relayées par des comptes de soutien aux indépendantistes.
Face à la difficulté à contrôler les fausses nouvelles et à identifier leurs sources, des appels à voter une loi qui pourrait réprimer la désinformation ont été récemment émis par la société civile au Mali.