DW : Mohamed Amara, quel bilan tirez-vous de dix ans de présence de la Minusma au Mali ?
Mitigé, de mon point de vue, d'abord parce que la Minusma est partie sur la pointe des pieds. Son retrait a été exigé par les autorités de la transition maliennes actuelles.
La Minusma était là pour accompagner le Mali dans le cadre des droits de l'Homme et surtout aussi du retour à l'ordre constitutionnel, ce qui a été fait sous la présidence d’IBK, mais avec une redéfinition de ces nouvelles missions depuis qu'il y a eu le putsch contre Ibrahim Boubacar Keïta en 2020, qui consistait à accompagner les autorités de la transition dans le retour à l'ordre constitutionnel.
Aujourd'hui, la Minusma est répartie sans qu’il y ait ce retour à l'ordre constitutionnel, c'est-à-dire une organisation d'élection présidentielle libre et démocratique, à ce niveau-là, le bilan de la Minusma reste pour moi, mi-figue mi-raisin.
Le deuxième niveau d'explication c'est que le retrait de la Minusma s'est fait dans un cadre de tension, entre le Mali et une partie de la communauté internationale, à cause des difficultés de rétrocession de ces différentes emprises.
Rappelez-vous ce qui s'est passé à Ber [bataille en août 2023, dans le nord du Mali, opposant d’un côté les FaMa et leurs alliés russes du groupe Wagner et de l’autre des djihadistes du GSIM et des combattants tuaregs de la CMA, ndlr], ce qui s'est passé après sur les différentes emprises, où ça a été le retour du conflit armé entre les forces armées maliennes et les groupes signataires de l'Accord de paix et de réconciliation issu du processus d'Alger. La Minusma a donc signé pour moi un échec, qui était son incapacité à ramener les acteurs maliens autour de la table pour faire la paixensemble.
Pour vous, on peut parler d'échec de la part de la minusma?
A ce plan oui, on peut parler d'échec et ça pose la question de toutes les missions de maintien de paix des Nations unies dans le monde, pas seulement au Mali.
Comment pourrait-on expliquer la difficulté de la Minusma à exercer pleinement son mandat, à s'acquitter de sa mission au Mali?
Ça peut se comprendre de plusieurs façons. Premièrement, parce qu'il y a un problème qui est pour moi un problème d'adaptation des missions de maintien de la paix des Nations unies, notamment au Mali, ou au contexte malien.
La Minusma ne s'est pas réadaptée par rapport au contexte malien. Malheureusement, ça veut dire que les missions de maintien de paix des Nations unies sont souvent des missions qui sont tout simplement calquées, qui sont mises en place sans tenir compte des spécificités des Etats et des territoires, malheureusement.
L'autre raison flagrante, c'est que la Minusma n'a pas été en mesure de trouver l'équilibre entre sa mission ou ses missions et aussi le nouveau contexte malien, qui est un contexte de terrorisme, un contexte aussi de transition militaire qui est différent du contexte des années 2012, 2013, 2014, avec une dégradation sécuritaire du territoire.
La Minusma part du Mali sans que l'ordre concessionnel ne soit restauré. Pour vous, c’est un échec, mais y a-t-il quand même des acquis avec la présence de la Minusma ?
Pour moi, il est plutôt important de s'attarder sur les échecs que sur les acquis.
La préoccupation principale des populations dans le centre, Mopti ou ce qu'on appelle la zone des trois frontières entre le Mali, le Niger et le Burkina, c'est d'abord la question securitaire et qui, pour moi, n'est pas tout à fait réglée, n'est pas résolue.
Malheureusement, s'il y a des acquis, on pourrait parler effectivement de certains projets qui ont été mis en place par la Minusma, qui sont des projets de développement. Mais il est très difficile de mener ces projets à bout.
Dans un pays où, tous les jours, quand on se lève, il y a des groupes narco-terroriste comme l’Etat islamique au Sahara, ou Aqmi, qui dynamitent tous ces projets, qu’il s'agisse de ponts, de projets de maraîchage ou d'autres segments.
Le contexte, qui est un contexte de tension permanente, est plus important à regarder que les acquis qui, pour moi, n'ont pas de durabilité.