L’opposition tchadienne dit non à une transition militaire
21 avril 2021Tout comme la société civile, les principaux partis d'opposition tchadiens ont dénoncé ce mercredi (21.04) "un coup d'état institutionnel" au lendemain de la prise de pouvoir de Mahamat Idriss Déby après la mort de son père Idriss Déby Itno.
"Les Tchadiens n’accepteront pas. Aujourd’hui, c’est toute la rue qui crie : pas de transition militaire, pas de coup d’Etat. Ils doivent (les militaires, ndlr), écouter la raison pour éviter le chaos", déclare à la DW Ngarlejy Yorongar, président du parti d’opposition Fédération, action pour la République (FAR), et plusieurs fois candidat à l’élection présidentielle au Tchad..
La charte de la transition suscite l'inquiétude
Le nouveau président du Conseil militaire de transition, Mahamat Idriss Déby, a promulgué ce mercredi la charte devant régir cette transition. Cette charte qui n’interdit pas expressément aux membres des différents organes de la transition, à savoir le parlement et le gouvernement, de participer aux prochaines élections qui seront organisées.
Un flou qui inquiète Mahamat Ahmat Alhabo, secrétaire général du Parti pour les libertés et le développement, le parti de l’opposant Ibni Oumar Mahamat Saleh, disparu en février 2008.
"C’est la même stratégie. Il (Mahamat Idriss Déby) va gérer la transition, il va être candidat, il va être soutenu par la machine de la fraude qui n’a pas été démantelée, qui est là. Et puis, la situation du Tchad n’est pas celle des autres pays. Nous avons des gens qui ont des armes à la main, qui sont à quelques encablures de N’Djamena. On ne peut pas les ignorer. Si on veut chercher des solutions, il faut chercher de bonnes solutions. Des solutions qui peuvent durer."
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Première alternance démocratique
Quant à Succès Masra, leader du parti Les transformateurs, il estime que la mort brutale du président tchadien est une opportunité pour parvenir à la toute première alternance démocratique au Tchad.
C’est pourquoi, selon lui, la transition doit être dirigée par des civils neutres.
"Les militaires ont tellement des choses à faire aujourd’hui pour assurer la sécurité du pays, mais aussi pour aider dans la lutte contre le terrorisme. Leur place est dans les casernes et dans une neutralité totale. Les Tchadiens veulent une transition rapide, sur des bases saines, animée par des gens neutres pour permettre que finalement tout le monde, dans une compétition égale, organise la toute première alternance. Nous ne pouvons pas combattre un système pour remplacer Paul par Pierre."
Mahamat Idriss Déby, le nouvel homme fort du pays, âgé seulement de 37 ans, a entamé ce mercredi, au palais présidentiel de N’Djamena, des consultations avec les acteurs de la vie politique et sociale, dans la perspective de la mise sur pied des organes de la transition.
Dans la foulée du décès de son père, il a dissous l'Assemblée nationale et le gouvernement. "Il occupe les fonctions de Président de la République, de Chef de l'État et de Chef suprême des armées", selon la charte de transition, publiée ce mercredi.
"Il nomme et révoque les membres du gouvernement de transition" et désigne "les membres du Conseil national de transition", en charge de la fonction législative.
Un Conseil militaire de transition (CMT) a été mis en place, composé de 15 généraux connus pour être dans le cercle des plus fidèles de l'ex-chef de l'État, et a promis que de nouvelles institutions verraient le jour après des élections "libres et démocratiques" dans un an et demi. L'opposition et la société civile n'y croient pas.
Des généraux dissidents pour une transition civile
Un groupe de généraux retranchés au quartier Farcha à N'Djamena s'oppose lui aussi à la mise sur pied du Comité de transition militaire et soutient la position de la société civile qui exige une transition civile.
"Le rôle de l'armée est de soutenir le peuple tchadien. Si le peuple dit non à une mascarade ou à un petit coup d'État, nous allons revenir vers le peuple tchadien pour que nous soyons ensemble", a déclaré leur porte-parole, le Général Idriss Abdéramane Dicko.
Dans un système démocratique, soulignent les généraux, "il y a des dispositions constitutionnelles qui sont prévues dans la loi fondamentale alors pourquoi sortir hors du cadre légal juridique pour perpétrer dans la précipitation un petit coup d'État?"
Le Général Idriss Abdéramane Dicko est un ex-rebelle. Affecté en 2006 comme coordonnateur au sein de la force de l’Union africaine au Darfour, il a fait défection en son temps avec quelques éléments pour rejoindre le Rassemblement des Forces Démocratiques (RAFD), un des mouvements rebelles de l’Est du Tchad avant de rejoindre la légalité.
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