L'influence grandissante des églises américaines en Afrique
9 avril 2024Depuis les années 2000, les églises chrétiennes fondamentalistes américaines, profondément homophobes, anti-avortement et niant la transidentité, gagnent de plus en plus d'influence dans la société et la politique en Afrique. Haley McEwen, sociologue à l'université de Göteborg, enquête sur les coulisses de ces puissants réseaux.
"Protection du noyau familial"
Elle explique que les réseaux américains d’activistes conservateurs qui se qualifient de "pro-famille" sont exclusivement intéressés par la protection et la défense d'un certain type de famille : la famille hétérosexuelle, monogame et mariée. En Afrique, leur objectif principal est alors de convaincre les gouvernements, notamment par le biais de conseils ou de formations qui présentent l'homosexualité et la diversité de genres comme des importations étrangères menaçant les sociétés africaines, pour qu’ils soutiennent ensuite leur politique auprès des Nations unies.
Irungu Houghton, directeur d'Amnesty International au Kenya, souligne que "la haine attisée par ces groupes ne s’inscrit pas dans l'histoire du Kenya ou de l'Afrique en général. Mais c’est elle qui crée les conditions pour la violence et les attaques contre les personnes de la communauté LGBTQ sur le continent".
L’influence dépend de l’argent
Le mouvement africain pro-famille s'est ainsi de plus en plus développé de lui-même, mais, comme l’affirme MecEwen, le succès des campagnes africaines dépend toujours en grande partie des investissements étrangers.
La plateforme médiatique internationale indépendante "OpenDemocracy", basée à Londres, indique par exemple dans une enquête de 2020 qu’une vingtaine de groupes chrétiens américains ont dépensé au moins 54 millions de dollars en Afrique depuis 2007 ; des groupes connus notamment pour leur lutte contre les droits LGBTQ.
Peine de mort pour les homosexuels en Ouganda
En Ouganda ou au Ghana par exemple, l'influence du groupe ultra-conservateur de l'Arizona "Family Watch International" se fait ressentir jusque dans l’adoption des lois.
Le président ougandais Yoweri Museveni a ainsi signé en mai 2023 une loi anti-homosexuels faisant risquer la peine de mort aux homosexuels ainsi que 20 ans de prison pour les groupes d'activistes LGBTQ.
Au Ghana, le parlement a d'adopté récemment une loi qui renforce les sanctions pour les actes homosexuels consentis et qui criminalise les personnes et les organisations de défense des droits des personnes LGBTQ.
Un phénomène mondialement présent
Mais cette évolution que l'on observe dans plusieurs pays africains, ne se cantonne pas à ce continent, comme l’explique McEwen : des lois contre l'homosexualité voient également le jour en Hongrie, en Russie ou encore en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.
Comme elle le dit si bien, cela ne doit donc pas être un facteur de mépris envers le continent Africain : "Nous ne devons pas étiqueter l'Afrique comme un continent homophobe ou comme quelque chose de spécial simplement parce que ces lois y existent."