Libye: le GNA reprend Tripoli... et après?
4 juin 2020En Libye, l'armée loyale au GNA, le Gouvernement d'accord national reconnu par l'Onu, affirme avoir repris le contrôle de Tripoli. Depuis un an, des combats violents les opposent aux troupes du maréchal Khalifa Haftar pour s'assurer d'avoir la capitale et sa banlieue sous leur coupe. Hier, les troupes du GAN annonçaient avoir reconquis l'aéroport international de Tripoli. Ces annonces de victoires militaires feraient presque oublier la reprise des pourparlers en vue d'une trêve entre les deux parties belligérantes.
Rappel des forces en présence
A l'est, en Cyrénaïque, le pouvoir militaire très centralisé de Khalifa Haftar. Il a la main sur de grands gisements de pétrole et est soutenu militairement par l'Egypte, les Emirats arabes unis, et la Russie – notamment, jusqu'il y a peu, par le biais de mercenaires du groupe Wagner.
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A l'ouest, en Tripolitaine, Fayez al-Sarraj est le chef du conseil présidentiel. Il a le soutien du Qatar et de la Turquie.
Officiellement, c'est son camp qui est reconnu comme le gouvernement légitime de la Libye par les Nations unies, même si le président français a reçu déjà Khalifa Haftar à Paris et que les Etats-Unis ont fait montre ces derniers mois d'une "neutralité bienveillante" à son égard, pour reprendre les termes de Patrick Haimzadeh, ancien diplomate français.
Les intérêts étrangers
Les victoires militaires du Gouvernement d'accord national à Tripoli, et autour de la capitale libyenne, ont été facilitées par l'engagement militaire de la Turquie qui tente d'établir des bases stratégiques en Libye – ce que ses alliés occidentaux de l'Otan ne voient pas d'un bon œil.
Pour la France, l'implantation de la Turquie en Tripolitaine représente une menace potentielle de ses intérêts dans le Sahel et en Afrique du nord. Par ailleurs, l'Egypte et les Emirats arabes unis craignent que la Turquie ne soutienne les Frères musulmans de Libye.
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Mais ces reconquêtes sont aussi l'issue d'une intensification des combats ces dernières semaines, suite à une course au réarmement, selon Thomas Claes. Directeur Libye de la Fondation Friedrich Ebert, il postule que "la crise du coronavirus a permis cette escalade parce que l'attention internationale n'était plus fixée sur la Libye. Alors les deux parties en présence en ont profité."
Les forces fidèles à Khalifa Haftar ont multiplié les bombardements de drones ces derniers mois, le renfort des mercenaires russes leur permettant de repousser les résistances du GNA à Tripoli.
L'appui de la Turquie aux troupes de Fayez al-Sarraj, le chef du gouvernement, a rééquilibré les forces.
Le semi-échec de la conférence de Berlin
Pour la première fois depuis 2011, les deux parties se sont retrouvées en janvier à Berlin pour une conférence destinée à faire taire les armes et relancer les discussions de paix.
Martin Kobler, ancien envoyé spécial de l'ONU pour la Libye, déclarait, fin janvier, sur les ondes du Deutschlandfunk.
"Personne n'a intérêt à ce que les combats continuent. Bien sûr, c'est une lutte de pouvoir, c'est une lutte pour le pétrole, c'est une lutte pour la domination militaire. C'est pour ça qu'il était bon de réunir tout le monde autour d'une table [à Berlin, en janvier dernier]."
Ce sont les civils qui souffrent
La guerre qui dure depuis neuf ans, couplée à la crise sanitaire et à l'effondrement des cours du pétrole dont vivent de nombreux Libyens, ont conduit à une détérioration de leur niveau de vie et en ont contraint des centaines de milliers à l'exode.
La Libye compte environ six millions d'habitants dont 400.000 déplacés internes.
A l'est et dans le sud, la population rejette de plus en plus l'autoritarisme de Khalifa Haftar et redoute un retour d'une dictature militaire.
L'accord obtenu sous l'égide de l'Onu à Genève, en février, prévoit un conseil présidentiel restructuré avec un président et deux vice-présidents. Ce principe, accepté par al-Sarraj début mai a rendu possible la reprise du dialogue suspendu depuis plus de trois mois.
Et avec lui l'espoir d'un retour au calme, ainsi qu'à terme d'un désengagement des forces étrangères et d'un partage du pouvoir entre Libyens, de différentes régions et différentes ethnies.