Les Tchadiens accusent l'UE de financer une dictature
5 février 2020La mise à disposition de cette somme se fera lors de prochaines discussions entre le président Idriss Déby et l'Union européenne, en marge du sommet de l'Union africaine prévu ce 9 février.
A l'origine de l'aide : la promesse d'un dialogue ?
De sources proches du dossier, l'une des raisons de cette aide budgétaire est la libération du Secrétaire général de la Convention tchadienne pour les droits humains, Mahamat Nour Ibedou. Mais il y a aussi la promesse de la reprise du dialogue politique entre pouvoir et opposition.
Ces informations sont pourtant démenties par le ministère tchadien de l'Economie et de la planification du développement, par le biais d'une réponse écrite adressée à notre rédaction : "Le décaissement de l'appui budgétaire n'est pas lié à la libération de Mahamat Nour Ibedou. Il est lié à la réalisation des indicateurs de performance en matière de gestion des finances publiques et au dialogue politique ouvert et inclusif entre le gouvernement et la société civile tchadienne."
L'UE ferme les yeux sur les violations des droits de l'Homme
Des arguments que conteste l'activiste Djeralar Miankeol, plusieurs fois emprisonné par le régime de N'Djamena. Pour lui, la promesse d'une reprise du dialogue politique est une plaisanterie.
"Mais quel dialogue politique ? Quel dialogue politique avec qui ? Est-ce qu'il y a une opposition ? Je ne comprends pas cet argument. Mais si c'est vraiment pour les questions de droit de l'Homme au Tchad, aujourd'hui je n'ai jamais vu une situation aussi déprimante que celle qui prévaut."
Pour d'autres citoyens tchadiens interrogés, l'Union européenne ignore les nombreux cas de violations des droits humains en soutenant financièrement le gouvernement tchadien.
Des critiques auxquelles réagit la Commission européenne, également par écrit. Si Bruxelles se réjouit de la libération de l'activiste Mahamat Ibedou, l'exécutif européen insiste sur le fait que l'appui budgétaire est une partie intégrante du programme de coopération avec le Tchad.
"Le respect des droits humains est une valeur universelle et une priorité pour l'UE. Ce décaissement a été accordé suite à l'atteinte, par le gouvernement tchadien, d'un nombre de résultats en 2019 dans le cadre d'un programme d'audit concernant les domaines des politiques sociales et de développement du Tchad. En général, l'appui budgétaire est un appui à l'Etat. Ce n'est pas un soutien à une coalition politique."
Déclarations d'intention
Thomas Dietrich, journaliste et spécialiste du Tchad s'interroge cependant sur la politique d'aide au développement de l'Union européenne. Il estime que Bruxelles soutient non pas les peuples mais plutôt les dictateurs en Afrique.
"J'adore les déclarations d'intention qui disent que nous sommes très préoccupés par la situation des droits de l'homme dans tel ou tel pays. Mais derrière on se rend compte qu'en fait la realpolitik continue. On le voit au Tchad mais aussi au Gabon. Il y a de l'argent qui a été débloqué par Bruxelles pour construire des écoles mais celles-ci n'ont jamais été construites. Et que fait l'Union européenne ? Elle n'a jamais réclamé cet argent. C'est-à-dire qu'on finance des dictatures en sachant très bien que cet argent va être détourné et pourtant on continue."
De son côté, le Réseau européen pour l'Afrique centrale accuse l'Union européenne d'avoir une position ambivalente sur les violations de droits humains cette fois au Rwanda. Bruxelles a en effet financé, l'an dernier, un projet de 900 millions de francs rwandais pour soutenir des projets agricoles.