Les casseroles du nouveau président kenyan
10 mars 2013C'est une longue semaine d'attente et de tension qui se termine pour les Kenyans. Après plusieurs reports, la Commission électorale indépendante a finalement rendu public le nom de celui qui dirigera la locomotive de l'Afrique de l'Est durant les cinq prochaines années. Il s'agit d'Uhuru Kenyatta, fils de Jomo Kenyatta, le père de l'indépendance. Le candidat remporte officiellement le scrutin avec 50,07% des voix. C'est juste assez pour éviter un second tour face à son principal rival, Raila Odinga. Le Premier ministre sortant a obtenu 43,31% des suffrages.
Contestation et appel au calme
En dépit des lenteurs et des difficultés techniques lors du décompte des voix, les observateurs nationaux et internationaux ont estimé que les élections et le dépouillement s'étaient déroulés sans problème majeur.
En revanche, la Coalition pour la réforme et la démocratie (CORD) de Raila Odinga s'est montrée moins conciliante. Avant même l'annonce des résultats par la Commission, le parti a pointé du doigt des fraudes et des irrégularités dans le déroulement du scrutin. Une fois le verdict tombé, Raila Odinga a annoncé qu'il irait le contester devant la Cour suprême kenyane tout en appelant ses partisans à rester calme. « Toute violence, aujourd'hui, pourrait conduire à la destruction de ce pays, pour toujours, et ne servirait les intérêts de personne » a-t-il déclaré. De son côté, le président élu a tendu la main à son adversaire et a assuré que le Kenya "reconnaissait ses obligations" vis-à-vis des "institutions internationales".
Elu mais poursuivi par la CPI
Avec cette victoire, Uhuru Kenyatta devient le quatrième président du Kenya indépendant. Le succès de celui qui était jusqu'ici vice-Premier ministre n'est pas surprenant. Depuis longtemps il faisait partie, avec Raila Odinga, des grands favoris du scrutin. Cela dit, cet héritier de l'une des familles les plus puissantes du Kenya est aussi le premier inculpé de la Cour pénale internationale à devenir chef de l'Etat.
La CPI le soupçonne d'avoir joué un rôle lors des violences qui avaient marqué la précédente élection présidentielle en 2007-2008. Il pourrait être tenu responsable en tant que co-auteur indirect de meurtres, transfert forcé de population, viols persécutions et autres actes inhumains. Les affrontements entre partisans du président sortant Mwai Kibaki et son adversaire de l'époque Raila Odinga avait fait plus de 1.200 morts et des milliers de déplacés. Uhuru Kenyatta avait choisi le camp de Mwai Kibaki. Selon Yusuf Abubakar, observateur politique, le fait qu’il ait été élu « montre à quel point les Kenyans ont confiance en lui. Et pour le moment, il n'a jamais dit qu'il refusait de coopérer avec la communauté internationale. »
De son côté, le porte-parole de la CPI a affirmé que les résultats du scrutin n'influenceraient en rien les procédures en cours. Le procès contre le nouveau président doit débuter le 9 juillet et celui de son colistier William Ruto, également dans le viseur de la CPI, le 28 mai.
Embarras de la communauté internationale
Dans ces circonstances, difficile pour la communauté internationale de sympathiser avec Uhuru Kenyatta. Pour le moment, Londres, Washington et Berlin se sont contentés d'adresser leurs félicitations au peuple kenyan tout en multipliant les appels à la retenue. Le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle a notamment exhorté « toutes les forces en présence au Kenya à réagir avec calme et sang-froid aux résultats annoncés ». Sur le continent africain, l'Afrique du Sud et l'Ouganda ont été parmi les premiers pays à saluer la victoire d’Uhuru Kenyatta. Jacob Zuma a précisé que l'inculpation du nouveau chef de l'Etat n'affecterait en rien les relations entre Pretoria et Nairobi.