Les camps de rééducation des Ouïghours dénoncés en Afrique
26 novembre 2019Une enquête du Consortium international des journalistes d’investigation a mis en lumière un vaste système d’internement systématique de la minorité musulmane ouïghour en Chine.
Selon des organisations des droits de l’homme, plus d’un million de Ouïghours, une ethnie musulmane turcophone, sont internés dans des camps de rééducation dans la province du Xinjiang, en Chine.
Pour sa défense, Pékin affirme qu’il s’agit de camps de formation en vue de lutter contre le terrorisme.
L'argument qui ne convainc pas
Une explication rejetée par le secrétaire général de l’Association des constitutionalistes du Niger, Maïna Boukar Karte.
"Quel que soit l’argument retenu, la Chine ne peut pas mettre toute une communauté dans des camps pour les éduquer. Je pense que cela est insensé et rappelle les camps de concentrations nazis pendant la seconde guerre mondiale. Ce que la Chine est en train de faire est assimilable à un crime contre l’humanité et je pense que la communauté internationale doit pouvoir être sévère par rapport à cette pratique."
Dans sa stratégie de lutte anti-terroriste, le régime chinois a beaucoup renforcé les mesures de surveillance au Xinjiang depuis deux ans. La minorité musulmane ouïgoure est perçue comme une potentielle menace terroriste par les autorités chinoises.
Pour l’imam Dicko, ancien président du Conseil islamique du Mali, l’appartenance religieuse ne peut justifier une telle répression vis-à-vis de cette minorité.
"Que des gens aujourd’hui se retrouvent quelque part dans le monde privés de liberté, séquestrés tout simplement parce qu’ils sont d’une religion différente, je crois que c’est horrible et condamnable."
Les pays africains, soutiens de Pékin
Malgré les dernières révélations du Consortium international des journalistes d’investigation, dix-sept Etats africains dont le Cameroun, le Togo, la RDC, l'Algérie, l'Angola, le Burundi, les Comores, l'Égypte, le Gabon le Nigéria, la Somalie, le Soudan, le Soudan du Sud, le Zimbabwe, le Burkina Faso et le Congo-Brazzaville soutiennent Pékin.
Un soutien qui a été publiquement critiqué par Andréa Papus Ngombet Malewa, président du projet Incarner l'Espoir au Congo Brazzaville. Dans un courrier daté du 21 juillet 2019, (Lettre de la honte sur le Xinjiang), il condamne fermement la signature par la République du Congo Brazzaville de la lettre élogieuse des ambassadeurs africains adressée à Pékin.
"Nous pensons qu’il n’y a pas de soutien des africains. Pékin a l'appui des régimes totalitaires africains. Les pays qui ont signé cette lettre ne sont pas des exemples de démocratie. Pour nous, la Chine fait pression sur les Etats africains afin que ces derniers lui manifestent leurs soutiens indéfectibles. Tout cela contre des accords de partenariat", ajoute-t-il.
Le député tchadien Saleh Kebzabo est aussi de cet avis. Il estime que ces pays sont avant tout "motivés par leurs intérêts économiques" et il condamne à son tour cette pratique qui n’est, selon lui, pas défendable.
Le constitutionaliste nigérien Maïna Boukar prévient pour sa part que fermer les yeux sur ce genre de pratique créerait un dangereux précédent.
"Les Etats qui soutiennent cette pratique sont en train de favoriser d’autres discriminations criminelles qui vont venir dégrader davantage la question des droits de l’homme."
L'influence économique de la Chine en Afrique permet de comprendre ainsi pourquoi 17 pays à ce jour, sur 54 que compte le continent, ont manifesté leur soutien à Pékin. Les autres, pour leur part, ne se sont pas prononcés.