Le Yémen menacé de dislocation 30 ans après son unification
22 mai 2020L’euphorie générale constatée il y a 30 ans lors de l’unification du Yémen du Nord et du Yémen du Sud aura été de courte durée. Depuis son unification, le 22 mai 1990, le Yémen a toujours connu des tensions.
Après la fin, en 2011, du long règne du président Ali Abdallah Saleh dans le sillage du printemps arabe, les rebelles Houthis se sentant marginalisés lancent une offensive depuis leur fief du nord du pays.
Pourtant, au sud, d’autres séparatistes combattent le pouvoir qui a quitté la capitale Sanaa, au centre, pour Aden, dans le sud du pays. En avril dernier, ils accusent le pouvoir, soutenu par l’Arabie Saoudite, de n’avoir pas respecté ses obligations. Ils proclament dans la foulée leur autonomie.
Des « entités incontrôlables »
Le conflit entre le gouvernement soutenu par l’Arabie saoudite depuis 2015 et les rebelles Houthis, soutenus par l’Iran, se déroule ainsi alors que le régime doit encore faire face à un autre conflit avec le conseil de transition du sud.
Pour Hasni Abidi, directeur du Centre d’étude et de recherche sur le monde arabe et et méditerranéen (Cermam), le Yémen est dans une escalade sans fin :
"La question n’est plus l’explosion de ce pays ou la naissance de nouveaux Etats et la division du Yémen, mais la naissance de nouvelles entités qui sont incontrôlables, qui ont une marge de manœuvre à l’intérieur et n’obéissent pas aux règles internationales."
Depuis lundi (11.05.20), des combats opposent les troupes gouvernementales et les séparatistes dans le sud du pays. Depuis janvier dernier, d’autres combats mettent aux prises les forces régulières aux rebelles dans les provinces de Jawf et de Maarib dans le nord du pays.
Résurgence d’Al-Qaïda
Un conseiller du premier ministre, Maïn Abdelmalek Saïd, déclare à l’AFP qu’ "un Yémen fragmenté ou un Yémen décentralisé et fédéral" seraient les options à envisager après un accord politique.
En effet, "l’unité du Yémen dans son état actuel n’existe plus", fait savoir Majed al-Mathhaji, à la tête d’un centre de réflexion à Sanaa. Le pays est le champ d’expérimentation de "la guerre d’influence" entre l’Iran et son rival, l’Arabie Saoudite, sans oublier le jeu flou des Emirats arabes unis, selon Hasni Abidi. Celui-ci estime que le groupe Al-Qaïda peut toujours ressurgir dans la région :
"Ce qui explique d’ailleurs pourquoi la relation entre l’Arabie saoudite et les Etats-Unis fonctionne surtout sur ce front-là, c’est-à-dire comment faire pour réduire la capacité de nuisance d’Al-Qaïda qui profite de l’anarchie aujourd’hui au Yémen pour se restructurer et redevenir un élément très important au Yémen et dans toute la péninsule arabique."
Le conflit au Yémen a fait depuis 2014 des milliers de morts. Une crise humanitaire y sévit selon les Nations unies alors que le pays fait aussi face à la pandémie du nouveau coronavirus.