Le Soudan, un an après la chute d'Omar el-Béchir
11 avril 2020En arabe, "thawra" signifie "révolution".
L'an dernier, ce cri du cœur avait poussé des centaines de milliers de Soudanais, des jeunes pour la plupart, à manifester chaque soir, dans les rues, pendant des mois.
Ce cri avait ensuite entraîné la destitution d'Omar-el-Béchir, et avec lui la chute d'un régime politique en place depuis près de trente ans.
Aujourd'hui, cet élan révolutionnaire reste incarné par ces manifestants. Dans ce pays où les deux tiers de la population ont moins de 25 ans, les jeunes générations croient encore en un avenir meilleur.
Pour Hadeel Osman, une jeune cinéaste soudanaise, il s'agit même déjà d'une réalité.
"Nous avons le sentiment que désormais nous pouvons faire plus. […] On peut constater qu'il y a un gros changement d'attitude ces derniers mois comparé à avant, parce qu'il y a cette facilité de mouvement. On peut entreprendre plus facilement. On se sent plus en sécurité. Les choses sont plus simples."
Course contre la montre
Ce sentiment de liberté nouvelle encourage certains à soutenir leurs nouveaux dirigeants, et à s'investir.
Exemple dans cette université de Khartoum, où des étudiants contribuent bénévolement à la lutte contre le coronavirus en fabriquant des flacons de gel hydroalcooliques.
Ahmed vient tout juste de terminer ses études de chimie :
"Je ne pensais pas que cela arriverait, que ce changement serait vraiment là. Des choses ont changé, oui, mais pas de manière drastique. Les véritables changements dont nous avons besoin n'ont pas encore eu lieu. Je ne pense pas qu'on puisse effacer 30 ans de régime comme ça. Nous avons besoin de temps mais je pense que nous sommes sur la bonne voie."
Le gouvernement de transition demande depuis du temps. Ce dernier est engagé malgré lui dans une course contre la montre.
L'inflation galopante, les pénuries de matières premières et le manque de liquidités maintiennent le Soudan dans la crise économique. Ces éléments déclencheurs de la révolution sont toujours d'actualité.
Un conseil souverain constitué de civils et de militaires assure la gestion du pays pendant une phase transitoire de trois ans avant des élections prévues en 2022. Le gouvernement de transition a fait du redressement économique l’un des enjeux majeurs de sa politique.
Sur tous les fronts
En attendant, les files d'attente s'allongent devant les boulangeries à cause du manque de farine, ou devant les stations-services en quête d'essence.
Mohamed, par exemple, attend dans sa voiture depuis des heures :
"Je suis dentiste et aujourd'hui je n'ai pas pu aller travailler car je suis obligé d'attendre pour avoir de l'essence. Il faut que je remplisse le réservoir pour pouvoir aller travailler les prochains jours".
L'urgence du redressement économique complique l'action d'un gouvernement qui doit se battre sur tous les fronts, comme l'explique Mohamed El Naïr, professeur d'économie :
"Parmi les préoccupations du gouvernement pendant cette période de transition, il y a la paix et les questions liées à la communauté internationale, à l’exclusion du Soudan de cette communauté internationale. Mais la question la plus importante reste celle de la subsistance de la population."
La révolution soudanaise célèbre son premier anniversaire mais son sort reste incertain.
Le gouvernement de transition fait encore face à de nombreux défis pour améliorer les conditions de vie des Soudanais. Il peut néanmoins compter, pour l'instant, sur le soutien des acteurs de cette révolution.