Le pape émérite Benoît XVI est mort
31 décembre 2022Un pape allemand, 60 ans après la fin de la Seconde guerre mondiale et le génocide des juifs, cela paraissait impensable.
Et pourtant, le 19 avril 2005, sur la place Saint-Pierre de Rome, Joseph Ratzinger déclarait : "Messieurs les cardinaux m'ont élu, moi, un simple et humble travailleur dans la vigne du Seigneur."
Joseph Ratzinger avait alors 78 ans. Le quotidien allemand Bild célèbre l’événement avec un titre désormais célèbre et qui se voulait l’expression d’une liesse populaire : "Wir sind Papst" ("Nous sommes pape").
Prêtre, prof, pape
Joseph Ratzinger est né un Vendredi saint, le 16 avril 1927, dans le village de Marktl, en Bavière, dans un milieu conservateur. Son père était gendarme, sa famille très pieuse.
Comme tous les jeunes garçons allemands de sa génération, sous le régime nazi, il est intégré à 17 ans dans les Jeunesses hitlériennes mais refuse de rejoindre les rangs de la Waffen-SS, arguant de sa volonté d’entrer au séminaire.
Joseph Ratzinger a suivi une formation de théologien, comme son frère aîné, Georg, décédé en juillet 2020.
Les deux frères sont ordonnés en même temps prêtres.
A la fin des années 1950, Joseph Ratzinger enseigne la théologie et jouit d’une certaine notoriété.
Vatican II et des valeurs traditionnelles
Il participe au Concile de Vatican II (1962-1965) dans l’entourage du cardinal de Cologne Joseph Frings. Il espère alors qu’une voie nouvelle s’ouvre à l’Eglise catholique… mais déchante au vu de la contestation estudiantine de 1968.
Il trouve alors refuge dans la tradition et devient en 1977 archevêque puis cardinal.
Son élection comme pape, il la considérait comme le parachèvement d’une vie vouée à la réflexion sur la foi, axée sur des valeurs strictes, au sein de ce qu’il considérait comme "la seule Eglise véritable".
Ses prises de position contre l’avortement, les bébés éprouvettes, la place des femmes dans la société ou le mariage homosexuel qu’il qualifiait d’« Antéchrist » sont restées virulentes jusqu’au bout.
Il consacre une grande partie de son pontificat à mettre en œuvre le Concile Vatican II et à tenter de réconcilier les deux principaux courants de l’Eglise catholique. Il travaille à un rapprochement œcuménique, sous la forme d’un dialogue avec l’Eglise orthodoxe surtout.
Son discours de Ratisbonne en 2006 reste aussi une source de colère dans le monde arabe, suite à une citation sur le prophète musulman Mahomet.
L’émergence des scandales de pédophilie
Son pontificat est aussi celui de l’éclosion de nombreux scandales de pédophilie au sein de l’Eglise catholique, avec des cas dénoncés dans de plus en plus de pays : l’Irlande, les Etats-Unis, l’Australie, la Belgique… et en 2010 l’Allemagne.
Benoît XVI cherche alors à rencontrer des victimes de ces actes pour établir un contact réparateur et il renforce la formation du clergé sur le sujet.
Mais beaucoup critiquent l’inaction de l’Eglise vis-à-vis des prêtres incriminés qu’elle se contente souvent de changer d’affectation géographique.
La démission de 2013
Mais ce pour quoi Benoît XVI restera dans l’histoire, c’est sans doute avant tout… sa démission. Un coup de tonnerre au sein de l’Eglise, en février 2013.
A peine huit ans après son élection, le souverain pontife déclare :
"Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien".
Dans la dernière biographie autorisée de Joseph Ratzinger, celle signée de Peter Seewald et publiée en mai 2020 ("Benoît XVI - Une vie"), l’ancien pape expliquait qu’outre son âge et sa santé vacillante, le scandale de corruption au Vatican, les "Vatileaks", aurait été l’un des motifs de sa démission en février 2013.
Son "amitié" avec François
Joseph Ratzinger estimait impossible que deux papes coexistent, mais il assurait que ses relations à son successeur, le pape François, étaient amicales.
Pourtant, certains l’ont soupçonné de vouloir tuer dans l’œuf les efforts du souverain pontife pour moderniser l’Eglise, par exemple en réaffirmant avec force, dans un ouvrage copublié avec le cardinal guinéen ultra-conservateur Robert Sarah, son attachement au célibat des prêtres.
Devant le tollé provoqué par l’ouvrage, l’Allemand avait demandé à ce que son nom soit retiré de la couverture, ainsi que des passages cosignés.
Une biographie qui ne dévoile pas tout
L’un des secrets qu’aura gardé Joseph Ratzinger jusqu’à sa mort, c’est la vérité sur un amour qu’il aurait ressenti jeune homme, évoqué dans la biographie de Peter Seewald : "Le secret portait un nom. Un nom féminin. Il n’a jamais été dévoilé."