Le destin d'une femme au Sénégal
13 avril 2011Le titre du roman indique déjà la forme originale de l'ouvrage: une très longue lettre que Ramatoulaye, le personnage principal, écrit à son amie, Aissatou, à qui elle se confie, car "la confidence noie la douleur", la douleur du veuvage entre autres.
Dans cette lettre, qui parle d'amour et d'amitié, Ramatoulaye revient sur leurs vies à toutes les deux, amies d'enfance. "Nous nous gavions des fruits à portée de la main. Et nous nous racontions des histoires salées" se souvient-elle. Les joies donc, mais aussi les peines qu'elles ont traversé.
Et puis l'espoir de bâtir une Afrique nouvelle, pour promouvoir la femme noire. Dans l'école de jeunes filles qu'elles ont fréquentée: "rien ne distinguait ... la Fon du Dahomey et la Malinké de Guinée....Nous étions de véritables soeurs destinées à la même mission émancipatrice. Nous sortir de l'enlisement des traditions, superstitions... nous faire apprécier de multiples civilisations sans reniement de la nôtre", tel était le but. Ramatoulaye se bat d'ailleurs pour plus de tolérance.
La polygamie, un sujet douloureux
Ramatoulaye vient de perdre son mari et c'est l'occasion pour elle de revenir sur sa vie de couple et de femme active qui "travaille à des charges doubles" en élevant ses nombreux enfants du mieux possible malgré toutes les difficultés de l'éducation des jeunes. Une tâche qu'elle poursuit toute seule, lorsque son mari, Modou, l'abandonne, pour épouser une toute jeune fille, amie de sa propre fille. On sent là une femme blessée:
"Il nous rejetait, orientait son avenir sans tenir compte de notre existence... L'adjonction d'une rivale à ma vie ne lui a pas suffit... il a brûlé son passé moralement et matériellement" écrit-elle.
Résister dans la dignité
Tandis que son amie Assaitou refuse sa situation de co-épouse, divorce et s'exile, Ramatoulaye reste au domicile conjugal que son époux délaisse. Même si elle enrage de voir la nouvelle belle-mère de son mari, avide de richesse: c'est l'une de ces "femmes aux bracelets lourds" qui n' hésite pas à mettre fin aux études de sa jeune fille pour la donner en mariage à un homme qui pourrait être son père.
Et puis on aborde le sujet non moins douloureux du lévirat qui fait "qu'un homme peut hériter de la femme" comme un "objet qu'on se passe de main en main". Mais Ramatoulaye résiste, et reste digne, pleine de sagesse.
"Une si longue lettre", de Mariama Bâ, décédée deux ans après la parution en 1979 de son roman, a été traduit dans une vingtaine de langues !
Auteur : Mireille Dronne
Edition : Cécile Leclerc