L’armée burkinabè accusée d’avoir tué des civils
20 avril 2020Human Rights Watch indique dans son communiqué que ces exécutions extrajudiciaires ont eu lieu le 9 avril à Djibo, une ville située à 200 kilomètres au nord de la capitale Ouagadougou.
"Les victimes ont été interpellées dans plusieurs quartiers, alors qu'elles étaient en train d'abreuver leur bétail, de marcher ou étaient assises devant leurs domiciles", par des militaires, venant vraisemblablement du camp du Groupement des Forces antiterroristes de Djibo, précise l’ONG.
Selon le document, les hommes arrêtés "ont été placés à bord d'un convoi formé d'une dizaine de véhicules militaires, dont des camionnettes, une voiture blindée et des motos. Plusieurs d'entre eux avaient les yeux ou les mains liés. Les habitants ont déclaré qu'aucun n'était armé".
Des appels à une enquête indépendante
Les membres de la communauté peule, qui sont régulièrement pris à partie, ont été ciblés par les forces de sécurité, selon Corinne Dufka, directrice pour l'Afrique de l'Ouest à Human Rights Watch.
"Les groupes djihadistes ont concentré leurs revendication en faveur des communautés peules et la plupart de leurs victimes sont de l’autre communauté Mossi. C'est pourquoi on a recommandé encore une fois qu'ils (les autorités, ndlr), ouvrent une enquête. Et on a recommandé aussi que la communauté internationale s'assure que l'assistance militaire aux forces de sécurité ne soit pas utilisée par les unités responsables de ces massacres et autres exactions", explique-t-elle.
Une enquête, c’est ce que préconise aussi Désiré Boniface Somé, enseignant-chercheur en sociologie à l'université Ouaga I.
Il indique que "l'Assemblée nationale peut mettre en place une enquête parlementaire. Le gouvernement du Burkina Faso devait en principe aussi, s'il n'a rien à craindre, lancer une enquête indépendante et les institutions internationales œuvrant dans le sens des droits de l'homme devraient aussi être en mesure de conduire des enquêtes."
Indépendance de la justice
Pour produire cette enquête, Human Rights Watch précise avoir "mené des entretiens avec 17 personnes ayant connaissance des tueries du 9 avril, dont 12 témoins des arrestations puis de l'enterrement des corps", qui "ont établi une liste des victimes, toutes peules".
Par ailleurs, l'ONG déclare avoir transmis une copie de son rapport au gouvernement burkinabè qui n’a réussi à être contacté par la rédaction de la DW.
Cependant, le premier vice-président de l'Assemblée nationale, Bénéwendé Stanislas Sankara, estime que son pays ne doit pas subir de pressions de l’extérieur.
"Je suis outré de voir que certains peuvent croire qu’à travers une pression que mèneraient l'Union européenne, les USA et la France sur le Burkina Faso, on pourrait aboutir à cette enquête. Nous avons désormais un système judiciaire indépendant, libre, ou les magistrats qui se sont saisis de ce dossier vont faire un travail impeccable pour restaurer la vérité", soutient le président de l'Union pour la renaissance/Parti sankariste, membre de la majorité au pouvoir.
Human Rights Watch et plusieurs autres organisations de la société civile burkinabè ont plusieurs fois tiré la sonnette d’alarme sur les violences perpétrées par les forces de sécurité contre les populations, notamment celles du nord du pays.