L'Allemagne propose une alliance contre les autocrates
10 mars 2021L’Allemagne propose un "New Deal", une "nouvelle donne" aux Etats-Unis. Heiko Maas, le chef de la diplomatie allemande, suggère en effet à l’administration de Joe Biden de s’allier contre les "autocrates". La Russie et la Chine notamment sont dans son viseur.
"L'Allemagne est à vos côtés"
Le ministre allemand des Affaires étrangères veut redéfinir les relations transatlantiques, mises à mal par le mandat de Donald Trump.
Joe Biden l'a clamé récemment à la Conférence de Munich sur la sécurité : "L’Amérique est de retour". La réponse de Heiko Maas est: "L'Allemagne est à vos côtés".
Le ministre a tenu hier [09.03.21] son premier discours sur les relations transatlantiques depuis l’arrivée de Joe Biden à la Maison blanche, un discours tenu à l’occasion de la création de la chaire germano-américaine Fritz Stern à l’Institut Brookings de Washington.
Selon Heiko Maas, "investir dans la souveraineté européenne, c’est investir dans le partenariat transatlantique."
L'Alliance des démocraties
Le chef de la diplomatie allemande évoque un "New Deal" : il appelle l’Europe et les Etats-Unis à s’allier de nouveau plus étroitement pour défendre les valeurs démocratiques contre les assauts de régimes autocratiques comme la Russie ou la Chine.
Heiko Maas propose l’organisation d’un sommet des grandes démocraties afin de lutter, par une régulation internationale renforcée, contre la désinformation et les théories du complot.
Cette proposition survient alors qu’une étude du Service d’action extérieure de l’Union européenne affirme que les autorités russes sont à l’origine, depuis fin 2015, de la propagation de plus de 700 "fake news" concernant l’Allemagne, soit davantage que sur n’importe quel autre pays.
Heiko Maas appelle donc de ses vœux une stratégie commune des Européens et des Américains contre les gouvernements russe et chinois. Il espère "une position transatlantique commune sur des sanctions ciblées".
Stabiliser hors des frontières
Par ailleurs, le ministre allemand souligne la nécessité pour l’Union européenne, outre de renforcer la démocratie en son sein, d’œuvrer à la stabilisation des zones de conflits et il rappelle l’engagement de l’Allemagne en Afghanistan ou pour trouver un accord en Libye, par exemple.
>>> A lire aussi :A fghanistan : la CEDH disculpe Berlin après une frappe
Ces efforts s’illustrent notamment par la hausse des dépenses militaires de la République fédérale, une augmentation de 50%, selon Heiko Maas, depuis 2014.
Sans toutefois prendre l’engagement de financer l’Otan à hauteur de 2% du PIB allemand, le chef de la diplomatie souligne aussi l’interdépendance de l’Europe et des Etats-Unis en matière de sécurité.
Le nouveau rapprochement avec les Etats-Unis, Heiko Maas le préconise également sur le plan commercial. Il appelle à mettre un terme "au cycle de taxes douanières et sanctions" engagé sous l’ère Trump et il souhaite l’ouverture de négociations en vue d’accords dans certains secteurs de l’économie afin "de relever [les] standards sociaux et environnementaux".
Point de discorde passé sous silence: Nord Stream 2
Dans son discours, Heiko Maas s’est gardé d’évoquer le principal point de désaccord entre l’Allemagne et les Etats-Unis : le pipeline Nord Stream 2, censé acheminer du gaz russe en Allemagne, par la mer Baltique. Un projet de plusieurs milliards d‘euros que Washington veut stopper, de crainte d’augmenter la dépendance énergétique de l’Europe vis-à-vis de la Russie.
>>> A lire aussi : Les relations avec Moscou sont "au plus bas"
Une lecture manichéenne du monde
L’un des reproches formulés à l’encontre de Heiko Maas, dans son discours, c’est qu’il s’appuie sur une rhétorique manichéenne des grandes puissances, qui rappelle les blocs de la guerre froide.
Or certains politologues comme Reinhard Krumm, directeur de la Fondation Friedrich Ebert à Vienne remarquent qu’il faudrait, davantage que de définir des ennemis communs aux Occidentaux, promouvoir à l’avenir un "agenda positif".
C’est-à-dire formuler des propositions, en s’inspirant par exemple de la pensée d’un Mikhail Gorbatchev dans les années 1980 et en ne limitant pas la réflexion aux élites. Afin de briser l’affrontement de systèmes mondiaux antagonistes figés, dans l’espoir d’instaurer une paix et une prospérité mondiales durables.