L'AfD sous l'œil des services de renseignements allemands
4 mars 2021L'AfD, parti d'extrême-droite situé dans l'opposition, dénonce les assouplissements progressifs des restrictions anti-Covid-19 qui ont été décidés par le gouvernement allemand. Le parti les considère comme des mesures "largement insuffisantes" et réclame la levée immédiate de l'état d'urgence sanitaire qui prévaut sur l'ensemble du territoire.
C'est ce même parti de l'AfD que les autorités ont décidé de placer hier, partiellement, sous la surveillance des services de protection de la Constitution.
Le Verfassungsschutz en alerte
A parti hors du commun dans le paysage politique allemand, mesure exceptionnelle. L'AfD est désormais officiellement classée à l'extrême-droite et son extrémisme relève des services de renseignements : le Verfassungsschutz doit donc surveiller les membres et partisans de l'AfD, pour s'assurer qu'ils s'en tiennent au strict respect la Loi fondamentale.
Le parti est en effet soupçonné de vouloir renverser "l'ordre libéral-démocratique".
De l'euroscepticisme à la xénophobie
L'AfD a été créée en 2013 autour du rejet de l'euro. Mais certains anciens membres dénoncent la montée en puissance de "Der Flügel", "l'Aile" extrémiste emmenée par Björn Höcke, au sein du parti.
Un courant idéologiquement proche des milieux néo-nazis et qui relaient des théories du complot xénophobes comme celle du "grand remplacement", qui prétend qu'il existerait un complot mondial contre les blancs.
Si "Der Flügel", qui compte environ 7.000 membres, n'est pas majoritaire au sein des instances, son poids est devenu tel que plus rien n'est décidé sans lui en interne. Et même le chef du parti Jörg Meuthen, pourtant considéré comme modéré, a eu besoin des voix de l'ultra-droite pour être réélu.
>>> A lire aussi : Racisme : un cadre de l'AfD exclu du parti
C'est ce qui ressort notamment des témoignages, dans une interview à l'hebdomadaire Die Zeit, le 6 février 2020, de sept responsables démissionnaires de l'AfD. Parmi eux, un certain Uwe Kamann qui raconte avoir eu "honte" à partir du congrès de 2017 des prises de parole "de plus en plus décomplexées" de certains autres membres ou de leurs publications sur les réseaux sociaux, qui reprennent parfois l'idéologie du "bloc identitaire", un mouvement jugé anticonstitutionnel.
Maintenant que l'AfD siège dans les assemblées régionales et au Bundestag, le parti se complexifie et ses fondateurs eurosceptiques ont été dépassés par les luttes d'appareil.
La démagogie électoraliste veut aussi que les slogans anti-Merkel par exemple trouvent un écho plus favorable au sein des masses populaires que l'argumentation programmatique.
Une surveillance "partielle"
La tête de l'AfD dénonce son placement sous surveillance comme une décision politique, à quelques mois des législatives de septembre. En réalité, les députés et les candidats aux élections à venir ne sont pas concernés par la mesure, car les services de renseignements n'ont pas le droit de les placer sur écoutes.
Mais le parti étant placé parmi les "cas suspects" par l'Office de protection de la Constitution, celui-ci pourra introduire des informateurs dans les rangs de l'Alternative pour l'Allemagne.
Du point de vue juridique, la nouvelle disposition implique aussi que les fonctionnaires membres de l'AfD – les enseignants par exemple – qui font de la propagande pour ce parti s'exposent à des mesures disciplinaires. Et de telles accointances pourront désormais être rédhibitoires lors du recrutement des agents de l'Etat.
Toutefois, la proximité avec l'AfD ne constituera pas de motif suffisant pour un licenciement.
Joute électorale
Des voix s'élèvent dans les rangs de la CDU (parti conservateur d'Angela Merkel) et des libéraux du FDP pour inciter les membres modérés de l'AfD à reconsidérer leur adhésion au parti… dans l'espoir de récupérer ces électeurs.
Mais le chef de l'Institut de sondages Forsa ne pense pas que la surveillance de l'AfD va la "décimer" de son électorat.
>>> A lire aussi : Le groupuscule de "citoyens du Reich" interdit en Allemagne
Le quotidien suisse Neue Zürcher Zeitung met en garde contre la surmédiatisation de cette surveillance annoncée : les informations collectées ne doivent pas être étalées au point d'influencer l'opinion publique.
Le journal ne nie pas l'existence de courants extrémistes au sein du parti mais il se demande si ce sont vraiment eux qui le dirigent actuellement. A cela, les "repentis" rétorquent que l'un des tenants de la ligne "dure" et ancien néonazi du Brandebourg, Andreas Kalbitz, a été élu au bureau national du parti.
Et un marquage au fer rouge de l'ensemble de l'AfD et ses sympathisants (et ils sont nombreux !) risque d'être instrumentalisé durant la campagne comme une tentative de "diabolisation".