La Russie profite du chaos politique et sécuritaire en Libye
13 mars 2024Selon un récent rapport du groupe de réflexion Royal United Services Institute (RUSI), basé à Londres, la Russie intensifie ses efforts pour étendre son influence en Afrique et au Moyen-Orient.
Il s’agit pour Moscou de s’entourer de pays qui soutiennent activement ses politiques tout en tombant de plus en plus sous influence russe.
La Libye, pays riche en pétrole et en or, est un candidat de choix pour ce type de nouveau "colonialisme russe". Le groupe Wagner y est présent depuis 2018
La Libye comme "tête de pont" vers d’autres pays africains
Le pays est divisé entre deux administrations rivales depuis 2014. L'ouest de la Libye est administré par un gouvernement d'unité nationale de transition, reconnu par l’Onu. Basé à Tripoli et dirigé par le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah, ce pouvoir est soutenu par des milices turques.
Dans l’est du pays, le gouvernement de stabilité nationale du Premier ministre Oussama Hamad est basé à Tobrouk et soutenu par l'armée nationale libyenne du général Khalifa Haftar.
Tim Eaton, chercheur principal au groupe de réflexion britannique Chatham House, estime que "si l'on examine les objectifs de Wagner, en particulier en Libye, il s'agit pour l'essentiel d'apporter un soutien et d'accéder aux revenus du pétrole plus ou moins indirectement en soutenant les forces armées libyennes du général Haftar. Wagner veut aussi s'assurer de pouvoir accéder à l'ensemble du continent africain. En ce sens, la Libye a servi de tête de pont."
Ressources contre sécurité
Depuis la mort du patron historique de Wagner, Evguéni Prigojine, dans le crash de son avion l’année dernière, le groupe Wagner a été affecté au renseignement militaire russe.
Son nouveau chef, le général Andreï Averianov, est soupçonné d’organiser des assassinats à l'étranger et de jouer un rôle dans la déstabilisation des pays européens. Les mercenaires actuellement sous son commandement en Libye ont été rebaptisés "Corps expéditionnaire".
Moscou assume ouvertement la présence de ses milices, estime la chercheuse Hager Ali du groupe de réflexion allemand Giga. "En remplaçant Prigojine par quelqu'un qui est plus proche du régime et qui a des antécédents dans le renseignement russe, les opérations du groupe Wagner sont devenues plus ouvertement liées à Moscou", affirme-t-elle.
Le Kremlin avait dans le passé toujours nié toute affiliation aux activités de la milice. Mais si Moscou a fait entrer Wagner sous le giron de son ministère de la Défense, les négociations avec les anciens combattants pour signer un contrat restent laborieuses.
L'une des premières personnes que Andreï Averianov a rencontrées dans le cadre de ses nouvelles fonctions, en septembre dernier, a été le général Haftar. Les deux hommes ont réaffirmé leur volonté de coopérer pour “sécuriser les ressources”.
Wagner a un intérêt dans l’impasse politique
En contrepartie, les combattants de Wagner profitent de la position stratégique de la Libye, notamment pour contourner ou amortir les sanctions internationales qui frappent la Russie pour la guerre qu’elle mène en Ukraine.
Moscou profite ainsi de l'or extrait sous la surveillance de Wagner en Libye.
"Wagner a également transporté des missiles sol-air portables, des munitions, du carburant et d'autres marchandises de la Libye vers les Forces de soutien rapide du Soudan, qui sont en guerre contre les forces armées soudanaises", précise Hager Ali du Giga.
Pour les Libyens, la présence de mercenaires signifie en revanche "de graves violations des droits de l'Homme, notamment des tortures, des viols collectifs et des exécutions extrajudiciaires", d'après les conclusions de l’Union européenne.
Et Wagner n’a aucun intérêt à ce que la Libye retrouve la voie de la démocratie et des institutions stables.
Selon Hager Ali, "Wagner mène des campagnes de désinformation en ligne" et à la capacité d’interférer dans les préparatifs d’élections, d’intimider les électeurs par la violence et même à aider à truquer les élections.