La liberté de la presse attaquée au Niger
3 mai 2024Deux journalistes nigériens sont privés de leurs libertés alors que le monde célèbre la Journée internationale de la liberté de la presse ce vendredi 3 mai. Il s'agit d'Ousmane Toudou, ancien conseiller du président déchu, Mohamed Bazoum. Il est retenu à la gendarmerie nationale depuis le 13 avril 2024. Les détails exacts des charges retenues contre lui ne sont toujours pas connues. Il y a aussi Soumana Idrissa Maiga, directeur de publication du quotidien l’Enquêteur. Il est placé sous mandat de dépôt à la prison centrale de Niamey depuis le 29 avril pour "atteinte à la défense nationale".
Des arrestations dénoncées par le journaliste Garé Amadou, directeur de publication de l’hebdomadaire privé "le Canard déchaîné". "Ces attaques contre les médias, en tout cas contre les journalistes constituent un dangereux précédent", confie le journaliste au micro de la DW.
"On est donc face à un tournant assez terrible, assez dramatique pour la profession de journaliste qui assurément est plus que jamais en péril face à ces arrestations-là qui vont probablement se poursuivre dans les prochains mois ou en tout cas les prochaines semaines", ajoute le directeur de publication de l’hebdomadaire privé "le Canard déchaîné".
Suspension de la maison de la presse
Bien avant les arrestations des deux journalistes et les menaces, censures et intimidations sur d’autres professionnels de la presse, la blogueuse et journaliste Samira Sabou a été arrêtée en septembre 2023 et détenue en secret pendant sept jours. La maison de la presse a aussi été suspendue par les militaires qui ont renversé le président Mohamed Bazoum. La junte lui reproche d’avoir dénoncé le coup d'Etat militaire.
"La maison de la presse a été suspendue tout simplement parce que nous, en tant que responsable de la maison de la presse, nous nous sommes démarqués pour exprimer notre mécontentement et notre attachement à l’ordre démocratique", explique Ibrahim Harouna, président du Conseil d’administration de la maison de la presse.
Dépénalisation des délits de presse
En juin 2010, la presse nigérienne avait obtenu un acquis important : l’adoption sous la transition militaire du général Salou Djibo de la loi portant dépénalisation des délits commis par voie de presse. Des acquis remis en cause aujourd’hui par une autre transition militaire regrette Souley Oumarou, acteur de la société civile, usager de l’information.
"L’avènement des militaires au pouvoir au Niger a contribué à la régression de la liberté de la presse au Niger. Récemment encore des journalistes ont été arrêtés dans le cadre de leurs missions et cela est en porte à faux justement à l’ordonnance 2010-35 qui quand même avait consacré la dépénalisation des délits commis par voies de presse", rappelle-t-il.
Dans son message, à la veille de cette journée, le ministre nigérien de la Communication n’a pas du tout évoqué le cas des journalistes arrêtés ni les conditions dans lesquelles les journalistes nigériens travaillent depuis le coup d’Etat. Sidi Mohamed Raliou a plutôt salué l’engagement des journalistes aux côtés du CNSP (le Conseil national pour la sauvegarde de la partie) pour la souveraineté du pays et annoncé des réformes dans le secteur.