La crise au Soudan fait craindre le pire à ses voisins
3 mai 2023Au Soudan, la situation reste préoccupante en dépit de l’annonce d’une trêve dans les combats à partir du 04 mai. Ce mercredi, le secrétaire général de l'Onu, Antonio Guterres, a appelé à redoubler d'efforts pour trouver une solution pacifique à la crise qui déchire le pays depuis le 15 avril dernier date à laquelle le Tchad a fermé sa frontière avec le Soudan.
Dans cet entretien qu’il nous a accordé, Yamingué Betinbaye, directeur de recherche au Centre de recherches en anthropologie et sciences humaines (CRASH) redoute une possible régionalisation du conflit.
DW : Le Tchad fait savoir dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères qu’un véhicule de son ambassade à Khartoum ont été saisis par des militaires non identifiés. Au vu de la situation qui prévaut actuellement sur le terrain, quelle est votre grille de lecture par rapport à cet incident?
Yamingué Betinbaye: La diplomatie tchadienne avait annoncé le 2 mai qu'un véhicule de l'ambassade a été enlevé par des militaires non identifiés qui auraient retiré le chauffeur et son passager du véhicule et emmené ce dernier vers une destination inconnue. D'emblée, le Tchad n'accuse pas directement l'armée soudanaise, mais il se plaint auprès des dirigeants officiels du Soudan. Dans ce sens, on pourrait regarder les termes de ce communiqué de la diplomatie tchadienne comme étant un petit doigt accusateur envers l'armée soudanaise.
DW : Mr Betinbaye, comment faut-il comprendre cette demande du Tchad au Soudan de garantir la sécurité des biens et des ressortissants tchadiens qui se trouvent sur son territoire actuellement?
Yamingué Betinbaye : La lecture qu'on peut faire de cette situation, c’est que les autorités tchadiennes qui semblaient être les alliés de l'armée et d’Al Burhane semblent corriger un peu leur position. Du coup, peut-être que les autorités tchadiennes veulent apparaître comme neutres vis-à -vis des deux protagonistes.
DW : le Tchad prévient qu'il ne laissera aucun des protagonistes du conflit entrer sur son territoire au risque d'entraîner une prolifération d'armes illégales dans la région frontalière. Est-ce un risque à craindre à l’heure actuelle ?
Yamingué Betinbaye : Le Tchad fait des déclarations, mais ce sont des déclarations qui seront très difficiles à être suivies d'effets au vu de la capacité actuelle du Tchad à contenir le flux de personnes et des différents acteurs qui fuient les affrontements du Soudan et qui chercheraient refuge sur son territoire. La capacité du Tchad est assez limitée pour éviter qu'il y ait une circulation des groupes rebelles ou des mercenaires qui partent de son territoire pour soutenir les protagonistes ou d’autres mouvements en sens inverse. On observe des risques de plus en plus élevés pour les pays voisins, notamment les pays de la frontière ouest, à savoir le Tchad et la Centrafrique, qui se trouvent être les voisins les plus fragiles du Soudan. Plus que jamais, le danger d'une régionalisation des périls sécuritaires qui était craint au début du conflit se confirme.