La Fondation Ford dans le viseur de William Ruto au Kenya
16 juillet 2024Face au mouvement de contestation au Kenya, le président William Ruto a récemment limogé les membres de son gouvernement. Le chef de la police, Japhet Koome, a également démissionné en fin de semaine. Ces évolutions répondent aux demandes des manifestants, mais le gouvernement se plie-t-il réellement au désir de la jeunesse ?
Des accusations
La police kényane a tiré ce mardi 16 juillet des gaz lacrymogènes contre des groupes de manifestants réunis dans le centre-ville de la capitale, Nairobi, pour demander la démission de William Ruto.
La veille, lundi 15 juillet, le président kényan a accusé la Fondation américaine Ford de soutenir ce mouvement de contestation.
La Fondation Ford a démenti "financer" ou "parrainer" les récentes manifestations antigouvernementales. Avant ces accusations, tout au long du week-end, sur les réseaux sociaux et dans les médias nationaux, ont circulé les photos des chefs du gouvernement avec en rouge marqué : "Viré". La quasi-totalité de l'exécutif kenyan a été limogée, à l'exception du vice-président, Rigathi Gachagua, et du ministre des Affaires étrangères, Musalia Mudavadi.
La peur de la destitution
Pour Mwongela Kamencu, historien de Nairobi, le président réagit à la pression de la rue, où les jeunes manifestent depuis plusieurs semaines maintenant.
"En définitive, c'est un homme en état de siège et il a peur d'être destitué. Surtout avec les manifestations qui ont eu lieu le 25 juin, quand les contestataires sont entrés dans l'enceinte du Parlement. Il réfléchit sûrement à la probabilité qu'il arrive la même chose à la Maison d'Etat, où il réside" explique l'historien.
Mais il mentionne qu'il pourrait s'agir également d'une manœuvre du chef de l'Etat, afin de renforcer ses soutiens politiques face à son vice-président. Rigathi Gachagua a vu sa popularité augmenter récemment dans la région du Mont Kenya, un bastion électoral important.
"Il y avait des rumeurs d'un remaniement ministériel imminent. Le président s'apprêtait à désigner au sein du gouvernement des politiciens alignés avec l'ancien Premier ministre Raila Odinga, maintenant de fait chef de l'opposition. Et l'idée était qu'en nommant des personnalités des régions de l'Ouest, qui sont alignées avec Raila Odinga, et quelques-uns de la côte, cela agirait en contrepoids à la perte d'influence du président dans la région du Mont Kenya" précise-t-il.
Une "opportunité"
L'analyste politique Dismas Mokua, pour sa part, croit en la bonne foi du chef de l'Etat et voit la crise sociale comme une opportunité pour le pays.
"Les manifestations actuelles, aussi soutenues par d'autres acteurs, ont donné au président Ruto un chèque en blanc pour mettre en place et exécuter des réformes radicales et fondamentales qu'il ne ferait pas dans un contexte ordinaire, à cause du coût politique qu'elles auraient" précise-t-il.
Malgré la dissolution, les jeunes ne semblent pas être satisfaits et certains n'en démordent pas : Ruto doit partir.
Près de 40 personnes ont été tuées depuis le début des manifestations, il y a un mois. La journée la plus meurtrière s'est déroulée le 25 juin, lorsque la foule avait envahi le Parlement. La police avait alors ouvert le feu sur les manifestants.