Kenya : la peur d'une crise politico-ethnique
11 août 2017Au Kenya, le vote s'est toujours déroulé sur des sentiments d'appartenance ethnique que sur les programmes politiques des candidats. Se référant aux pratiques établies, les membres de la communauté Kikuyu, groupe ethnique représentant environ 22% de la population totale, sont censés reporter automatiquement leurs voix à un des leurs, en l'occurrence le président sortant Uhuru Kenyata. D’origine bantoue, les Kikuyu constituent le plus important groupe ethnique du Kenya. Ils sont basés principalement entre Nairobi et les Aberdares, une chaîne de montagnes qui s'étend sur 160 kilomètres dans le centre-ouest du Kenya. Leur plus illustre représentant fut Jomo Kenyatta, leader de l'indépendance, premier président du Kenya décédé en 1979. C’était aussi l’ethnie de l’ancien président, Mwai Kibaki qui a dirigé le pays de décembre 2002 à avril 2013. Leur organisation tribale repose sur la famille, et plusieurs familles réunies forment un clan. Même réflexe pour les Luo qui ne lésineront sur aucun moyen pour faire élire Raila Odinga, issu de cette communauté. Les Luo sont établis à l'est, au nord du lac Victoria, précisement dans la province de Nyanza. On les retrouve aussi en Tanzanie, en Ouganda, en RDC, en Éthiopie ainsi qu'au Soudan du Sud dont ils sont originaires. La communauté Luo représente le plus grand groupe ethnique non bantou du Kenya. Ils ont joué un rôle important dans l'accession du pays à l'indépendance. Tom Mboya, assassiné en 1969, et Oginga Odinga, l'ancien vice-président du Kenya étaient tous deux des Luo.
Selon la directrice d'Amnesty régional Kenya, Muthonie Wanyeki : " il y a une dimension ethnique dans les élections. Mais la dimension ethnique s'allie avec celle des questions de classe, de discrimiation, de marginalisation, d'exclusion de certains groupes, de certaines régions du pays."
Violences politico-ethniques en 2007 et 2008
La crise post-électorale de 2007 et 2008 a debouché à un conflit ouvert entre les Luo de Raila Odinga et les Kikuyus de l'ex président Mwai Kibaki à laquelle appartient aussi Uhuru Kenyata, le président sortant.
Mais Muthonie Wanyeki, la présidente de l'association des femmes juristes du Kenya soutient que le contexte actuel ne se prête pas à un tel conflit:
"Non, non, non. Il n'y a de signes d'aucune forme de conflit ethnique. Les gens sont épris de paix. Les gens sont retournés travailler aujourd'hui. Les services publics étaient ouverts et par conséquent chacun est revenu à ce qu'il faisait auparavant. Ils n'attendent plus que les résultats finaux."
Même si l'opposant Raila Odinga a annoncé publiquement qu'il "ne peut pas contrôler le peuple", de nombreux observateurs estiment que M. Odinga détient la clé de l'apaisement. Car, il jouit d'une énorme influence au sein de son ethnie.
Raila Odinga joue la dernière bataille d'une longue rivalité dynastique avec la famille d’Uhuru Kenyatta. Son père, Jaramogi Oginga Odinga, fut brièvement vice-président, avant de perdre la lutte post-indépendance pour le pouvoir, au détriment du premier chef d'État Jomo Kenyatta, le père d'Uhuru.