Il y a 50 ans, Mouammar Kadhafi accédait au pouvoir
30 août 2019Le 1er septembre 1969, Mouammar Kadhafi, fils d’un berger, âgé seulement de 27 ans, met en place le Conseil révolutionnaire, après avoir renversé, sans effusion de sang, le roi Idriss 1er. Suscitant l’immense espoir de la population lassée par le règne du roi Idriss 1er, qui, lors de ce putsch, était en déplacement en Turquie.
"Les Libyens ont accueilli cette prise de pouvoir avec un enthousiasme absolu. Ils étaient ravis de voir un jeune colonel renverser ce pouvoir vieillissant. Ils étaient ravis d’entrevoir d’autres perspectives, de pouvoir enfin profiter de cette manne pétrolière qui ne profitait pas à la population", résume Roumiana Ougartchinska, spécialiste de la Libye et auteur du livre "Pour la peau de Kadhafi".
Leader du panarabisme
Subjugué par le prestige du Raïs égyptien Gamal Abdel Nasser, mort le 28 septembre 1970, le nouvel homme fort de la Libye se fixe pour objectif de devenir le nouveau leader du panarabisme.
Mais son régime se durcit, la répression contre les opposants se généralise et le jeune colonel qui avait suscité tant d’espoir devient un banal dictateur.
Selon Bara Mikaïl, spécialiste des relations russo-libyennes, "il n’en demeure pas moins qu’on a eu des abus, notamment sur le plan de la mauvaise répartition socio-économique, mais aussi sur le plan des libertés d’expression par exemple qui font qu’il y a une grande controverse par rapport à l’héritage Kadhafi."
Selon l’analyste Roumiana Ougartchinska, grâce à la manne pétrolière, Mouammar Kadhafi a réussi à offrir une sécurité matérielle et financière à ses compatriotes avec la mise en place d’un système social apprécié de tous.
Il a aussi entrepris beaucoup de réalisations, comme la construction de gigantesques fermes collectives et le développement de l'agriculture avec l'eau fossile du sous-sol dans le désert libyen.
C’est pourquoi Seidick Abba, journaliste et analyste politique nigérien, suggère de ne pas oublier les actions positives du guide libyen.
"Au-delà de la diabolisation qui est en cours, Khadafi a aussi œuvré à l’unité du continent africain, il a mis beaucoup d’argent dans le panafricanisme, dans l’Organisation de l'unité africaine, dans l’Union africaine. Pour moi, on ne peut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Khadafi n’est pas que le diable", indique Sedick Abba. "Et aujourd’hui, la situation dans laquelle se trouve son pays fait qu'on a une sorte de nostalgie à l’endroit de tout ce qu’il a pu faire pendant les années qu’il a exercé le pouvoir. On ne dit pas que c’était un homme parfait, qu’il a été un démocrate parfait. Mais il a posé des actes qui étaient dans l’intérêt du continent africain. Ne l’oublions pas."
Relations en dents de scie
Au cours de son long règne, les relations entre Mouammar Kadhafi et les pays occidentaux n’ont pas été faciles.
Celui-ci est en effet accusé d'avoir financé le terrorisme international et orchestré notamment l'explosion du Boeing de la Pan Am au-dessus de Lockerbie en Écosse, le 21 décembre 1988, ou encore l'explosion du vol UTA au-dessus du désert du Ténéré au Niger, le 19 septembre 1989. Sans oublier l’attentant dans un casino à Berlin en 1986.
Le dégel
Au début des années 2000, Mouammar Kadhafi surprend l’opinion en annonçant le démantèlement de ses programmes secrets d'armement.
Il reconnaît aussi la responsabilité de son pays dans les attentats de Lockerbie et du DC-10 d'UTA.
Preuve de cette nouvelle ère qui s’ouvre, il est reçu avec tous les honneurs en 2007 à l’Elysée par Nicolas Sarkozy, le président français de l’époque. Avec à la clé des contrats de vente d’armes français à Tripoli.
L’idylle sera pourtant de courte durée, car la France prend la tête de la vaste coalition militaire qui, en 2011, conduit à la chute de Kadhafi.
Le 20 octobre de la même année, le dictateur libyen Mouammar Kadhafi est tué près de Syrte par les insurgés qui ont pris le contrôle du pays.
Depuis, la Libye a sombré dans la guerre civile. Depuis avril 2019, des combats opposent les forces fidèles au maréchal Khalifa Haftar à celles du Premier ministre reconnu par la communauté internationale, Fayez al-Sarraj. Le tout dans un jeu de duplicité des puissances : la France, la Russie, les USA et les pays du Golfe, l’Arabie Saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis.