De la pertinence de sanctions financières contre la Guinée
20 septembre 2021Les concertations nationales avec l’ensemble des forces vives de la nation, se poursuivent ce lundi 20 septembre 2021 au Palais du peuple, à Conakry. Le colonel Mamady Doumbouya recevra tour à tour les opérateurs culturels, les associations de presse et les représentants du secteur informel.
Pendant ce temps, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest continue de mettre la pression sur la junte militaire qui a pris les commandes du pays il y a maintenant deux semaines. La Cédéao a déjà suspendu le pays de ses instances et a gelé les avoirs des membres de la junte. Elle réfléchit désormais à des sanctions économiques et financières pour faire pression sur les militaires s'ils ne respectaient pas la durée de la transition et refusaient la libération de l'ancien président Alpha Condé.
A notre micro, l'ancien ministre guinéen des Finances et ancien fonctionnaire du Fonds monétaire international, Ousmane Doré, estime qu'il sera difficile pour la Cédéao d'étouffer la Guinée par des sanctions financières.
Retranscription de l'interview d'Ousmane Doré
Ousmane Doré : J'ai travaillé sur la Cédéao pendant de longues années au Fonds monétaire. Jusqu'à récemment, il est clair que la Guinée est l'un des pays les moins intégrés, économiquement, au sein de la Cédéao. Si vous regardez le volume des échanges entre la Guinée et les pays membres, y compris les pays frontaliers, ce n'est pas aussi très prépondérant. C'est dire donc que même les sanctions économiques devraient pouvoir moins affecter la Guinée pour l'empêcher de mener à bien sa transition.
DW : Lorsque la Guinée est suspendue des instances financières de la Cédéao, ça a moins d'impact que sur un pays comme le Mali, qui fait partie de l'UEMOA, par exemple.
Ousmane Doré : C'est un pays qui, traditionnellement, n'est pas très ouvert. Notre croissance, qui n'est pas inclusive d'ailleurs, est tirée essentiellement par le secteur minier, avec un commerce qui essentiellement est lié à la Chine, l'Australie, les pays européens et la Turquie. Donc, je pense qu'un embargo et des sanctions économiques peut ne pas tellement avoir d'effets. Maintenant, ceci dit, le pays s'attend vraiment à des financements pour gérer cette transition. Il y a des élections à faire, il y a que les caisses de l'Etat aussi sont vides, selon ce que nous apprenons. Donc, il va falloir renouer avec la communauté internationale.
DW : Vous qui avez travaillé justement au FMI, est ce que vous pensez que des institutions internationales, comme la Banque mondiale et le FMI, peuvent suivre peut être la Cédéao pour imposer des sanctions économiques et financières à la Guinée?
Ousmane Doré : Très souvent, c'est le cas. Pas forcement sur la Cédéao, mais en réalité, ces institutions ne cautionnent pas aussi les coups de force constitutionnels, Je crois que le cas de la Guinée en 2008 le prouve. Nous étions dans l'optique du point d'achèvement. Ça a été suspendu et nous craignons fort que même cette allocation de détresse en faveur des pays pour la riposte Covid, je crois que tout ça est en discussion, mais l'action de la Cédéao pourrait venir compliquer la chose pour le pays.
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