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En Gambie, le putsch manqué n'a pas révélé tous ses secrets

22 décembre 2022

L'annonce d'un putsch manqué en Gambie suscite des interrogations. Le pays n'est toujours pas à l'abri d'une déstabilisation due à l'absence de réformes.

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Le président gambien Adama Barrow quitte le siège de l'ambassade britannique à Banjul où il est allé signer le livre de condoléances suite au décès de la reine Elizabeth II (Archives - Banjul, 12.09.2012)
Adama Barrow est arrivé en 2017 à la tête de la Gambie, petit pays pauvre de deux millions d'habitantsImage : MUHAMADOU BITTAYE/AFP

Au lendemain de l'annonce d'une tentative de coup d'Etat en Gambie, le gouvernement affirme que la situation est sous contrôle. Les autorités de Banjul appellent les populations et les membres des corps diplomatique et consulaire à poursuivre leurs activités normales. Quatre soldats ont été arrêtés ce mercredi (21.12.2022) d'après les informations officielles. Des recherches sont en cours pour retrouver trois autres individus présentés comme étant des complices.

Malgré tout, l'annonce d'un complot contre l'Etat gambien soulève de nombreuses questions. 

Encore des zones d'ombre

Qui a intérêt à porter un coup d'arrêt à la jeune expérience démocratique de la Gambie ? Le pays, dirigé pendant 22 ans par l'ancien président Yahya Jammeh, a accédé à une vie démocratique en 2017, avec l'arrivée au pouvoir d'Adama Barrow, réélu pour un second mandat il y a un an.

"Je condamne totalement ces coups de force" (Une Gambienne)

Un changement soutenu par la sous-région. La Cédéao dispose ainsi encore d'une force, l'Ecomig, présente à Banjul et dont le mandat est renouvelé pour un an à compter du 1er janvier 2023.

Des avis de Gambiens recueillis sur place reflètent en tout cas la crainte de voir le pays basculer dans l'instabilité.

"Les coups d'Etat sont généralement déclenchés pour des raisons économiques, politiques ou l'oppression et nous avons vu presque tous ces problèmes émerger parce que le coût de la vie est élevé et que la corruption est endémique."

"Je remercie Dieu que cela n'ait pas abouti. Ce n'est jamais une bonne chose de tenter de renverser un gouvernement par un coup d'Etat parce que nous savons tous comment se terminent les coups d'Etat."

"En tant que citoyen, je condamne totalement ces coups de force militaire. C'est anticonstitutionnel et antidémocratique donc nous ne le soutenons pas. Les personnes les plus touchées sont à nouveau les pauvres."

Des espoirs en attente 

L'ère démocratique inaugurée en 2017 s'est en effet accompagnée de l'espoir d'une vie meilleure. Ceci devait se traduire dans des réformes, notamment militaires et institutionnelles.

L'ex-président gambien Yahya Jammeh accueilli à l'aéroport à Dakar par l'ancien président sénégalais Abdoulaye Wade lors d'une visite en octobre 2005
Yahya Jammeh (en boubou blanc) a dirigé la Gambie d'une main de fer durant 22 ansImage : Seyllou Diallo/AFP

Des réformes qui tardent toutefois à se mettre en place. La déception est renforcée par l'impunité face à la corruption. "Une nouvelle Constitution avait été suggérée dès la chute du président Yahya Jammeh. Tout a été fait, on a eu une nouvelle Constitution et après, les intérêts politiques ont primé sur la mise en place d'un cadre juridique. Deuxième chose, il y a eu beaucoup de crimes qui ont été commis, jusqu'à présent, aucune action juridique n'a été engagée. Maintenant, on voit que des militaires d'un rang très bas - parce que le plus gradé des personnes arrêtées est un sergent - se sont mis à fomenter un coup. Cela montre à quel point, le chaos a même atteint l'armée !", explique Pape Ibrahima Kane, politologue et expert au bureau ouest-africain de l'ONG Osiwa.

Par ailleurs, l'ex-président Yahya Jammeh, en exil en Guinée Equatoriale, continue d'influencer la politique gambienne. Le politologue Pape Ibrahima Kane se montre déçu par la gestion faite de la situation en Gambie par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao)."Le voisin sénégalais est là, il a son armée sur place et a un œil sur la situation. Mais qu'a fait la Cédéao ? Dès l'instant qu'Adama Barrow s'est installé au pouvoir et a commencé à diriger, la Cédéao est passée à autre chose !", regrette l'expert.

Un coup d'Etat déjoué en Gambie donc. De quoi convaincre davantage la Cédéao dans son idée de création d'une force régionale pour intervenir en cas de putsch. Mais une initiative qui risque de se heurter très vite au manque de stratégie et de financement.

Photo de Fréjus Quenum à côté d'une carte du monde
Fréjus Quenum Journaliste, présentateur et reporter au programme francophone de la Deutsche Welle@frejusquenum