Au Gabon, des richesses qui ne profitent pas à la population
26 août 2023"60% des Gabonais vivent en dessous du seuil de pauvreté. C'est la réalité." Marc Ona Essangui, membre de la société civile gabonaise, conteste les chiffres de la Banque mondiale qui estimait, fin 2022, que 39,2% de la population gabonaise vivait sous le seuil de pauvreté.
Le Gabon et ses ressources naturelles
Enumérant toutes les ressources naturelles dont dispose le Gabon, Marc Ona Essangui demande à la famille Bongo pourquoi elle n'est pas parvenue à sortir ce pays de la pauvreté depuis qu'elle est au pouvoir.
"Le Gabon produit depuis bientôt 60 ans du pétrole, du manganèse, du bois et la famille Bongo est également au pouvoir depuis [près de] 60 ans. Comment pouvez-vous imaginer qu'une famille est au pouvoir depuis ce temps et qu'elle n'arrive même pas à donner le minimum de bien-être aux Gabonais ?"
L'économie gabonaise est classée à la troisième place en Afrique centrale, après la République démocratique du Congo et le Cameroun, mais le pays enregistre tout de même l'un des taux de chômage les plus élevés au monde, avec 37% de la population.
Un taux de chômage structurel
Steve Mba Olla, économiste gabonais, tente d'expliquer les raisons de ce taux de chômage élevé en s'appuyant sur quelques mesures prises par le pouvoir pendant la pandémie de Covid-19.
"Le gel des recrutements au niveau de l'administration, le blocage des salaires, tout cela a contribué à augmenter le taux de chômage, notamment des jeunes diplômés qui, au sortir des universités, ne trouvent pas d'emploi car il faut dire qu'au Gabon, l'Etat est quand même l'employeur le plus important", avance l'économiste.
En effet, le Gabon est caractérisé par un secteur privé très faible, ce qui handicape la croissance économique du pays et accroît le chômage, poursuit Steve Mba Olla.
"Le secteur privé a lui-même quelques faiblesses, ce qui fait qu'il n'est pas capable d'absorber l'essentiel de ces jeunes qui sortent des universités", explique-t-il-
Depuis 2022, le Gabon fait partie des pays membres du Commonwealth, mais il est encore trop tôt pour évaluer le bénéfice économique tiré de cette adhésion.
Bilan social "catastrophique"
Pour l'instant, "les Gabonais manquent de tout", constate Laurence Dong, du collectif Tournons la page. "Il y a un déficit en logements, un déficit en infrastructures, un déficit pour les universités..."
Autant de promesses non tenues en 14 ans de pouvoir d'Ali Bongo, d'après l'économiste Mays Mouissi. Il est l'auteur d'un rapport, sorti en juillet, intitulé "105 promesses, 13 réalisations". Son étude approfondie détaille les échecs du candidat de la majorité.
Mélanie, vendeuse de prêt-à-porter à Libreville, confirme : “Le bilan d’Ali Bongo est catastrophique, nous avons des hôpitaux qui sont là, c’est des bâtiments, il n’y a pas de médecins, il n’y a pas de médicaments. Quand on va dans le monde éducatif, nos enfants ne sont pas enseignés parce que manque de structure, manque de professeurs. Quand on va chez les retraités, ils n’ont pas de pensions.”
D'autres comme Kenny, jeune joueur de basketball, estiment que le président mériterait plus de temps.
"Les opposants en face n’ont rien fait", critique-t-il. "Je pense que le président est juste mal entouré, il a de bonnes idées et il a quand même réalisé beaucoup.”
Selon le porte-parole d'Ali Bongo, Seif Mostley, "on peut compter un grand nombre d'investissements en matière de routes, en matière d'infrastructures qui concernent le logement, l'éducation, la santé".
Il annonce que s'il est réélu, Ali Bongo prendra des mesures de soutien aux jeunes dans les cent premiers jours de son mandat pour "permettre à ce que 30.000 jeunes puissent bénéficier d'un contrat d'insertion emploi pour être formés dans des secteurs qui leur permettent tout de suite d'être absorbés par le marché national et, pourquoi pas, devenir des entrepreneurs".
La dépendance monétaire nuit à l'économie
Parmi les réalisations dont se vante le gouvernement, il y a aussi la zone économique à régime privilégié de Nkok(ZERP). Située à une trentaine de kilomètres de Libreville, elle a favorisé la création de milliers d’emplois depuis sa mise en place il y a dix ans.
Ces réalisations, ne sont néanmoins pas suffisante pour le développement du pays, estime Privat Ngomo. Le président du mouvement “NewPower” prône la souveraineté monétaire.
“Si on veut développer notre pays il nous faut avoir le contrôle de notre monnaie", affirme-t-il. "La plupart des pays qui sont dans la zone du Franc CFA, sont classés derniers à chaque fois dans le rapport de la Banque mondiale, chaque année. Il y a des pays comme le Rwanda, bien plus pauvre que le Gabon, mais qui présentent une croissance des plus inouie”.
Selon la Banque africaine de Développement, les perspectives économiques du Gabon sont favorables pour les deux prochaines années. La croissance devrait atteindre 2,8% en 2024 grâce, notamment à la forte demande en ressources naturelles. Mais les indicateurs sociaux restent faibles.