La Françafrique, un système vraiment révolu ?
3 mars 2023"L'âge de la Françafrique est révolu" et la France est désormais un "interlocuteur neutre" sur le continent. C'est ce qu'a déclaré au Gabon Emmanuel Macron. Le président français, qui est en tournée en Afrique centrale, participait à un sommet sur la protection des forêts tropicales et en a profité pour faire cette annonce qui n'est, en vérité, pas très nouvelle.
Selon l'économiste François-Xavier Verschave : "la Françafrique, c'est un iceberg, (…) 90% de la relation est immergée".
On peut d'ailleurs lire cela sur le site d'une organisation comme Survie qui milite depuis des années maintenant contre "la mainmise de la France sur les affaires internes africaines".
Une ingérence qui perdure, selon Pauline Tetillon, la co-présidente de Survie qui ne cache pas son scepticisme au sujet de l'annonce de la fin de la Françafrique faite par Emmanuel Macron.
Selon elle, "la Françafrique c'est un peu la poursuite de la domination coloniale de la France sur ses anciennes colonies qui souhaite maintenir son influence sur ce continent, que ce soit dans les domaines militaires, économiques, diplomatiques et pour nous la Françafrique perdure. Certes, elle évolue, c'est un peu le sens même et la nature même de la Françafrique que de s'adapter pour mieux continuer, tout en essayant d'effacer les marqueurs les plus visibles et les plus gênants par des coups de communication, comme celui-là, en annonçant la fin, mais en maintenant et en adaptant les pratiques" assure-t-elle.
Des pratiques opaques, des réseaux d'influence hérités de la colonisation qui continueraient à maintenir une forme de néocolonialisme en Afrique dans les affaires, la politique, avec une présence militaire, le soutien aux dictatures sur le continent… c'est tout cela qu'implique donc la Françafrique, selon ses détracteurs.
Une fin annoncée à maintes reprises
Le mot Françafrique aurait été utilisé pour la première fois par l'ancien président ivoirien Félix Houphouët-Boigny (1905-1993), alors ministre du gouvernement français, puis s'est ensuite systématisé avec la création à l'Elysée, dans les années 1960, d'une cellule aux affaires africaines avec à sa tête Jacques Foccart surnommé "Monsieur Afrique".
Avant Emmanuel Macron, d'autres présidents français avaient déjà annoncé la fin de ce système. Puisque ce système prête à la France une attitude néocolonialiste, certains chefs d'Etats ont tour à tour cherché de s'en défaire. Nicolas Sarkozy a par exemple cherché une "rupture" avec la Françafrique.
François Hollande avait lui assuré que "le temps de la Françafrique est révolu". Et puis il y a Emmanuel Macron qui tente depuis quelques années déjà de convaincre l'opinion que c'est vraiment la fin.
C'est ce que rappelle Tumba Shango Lokoho, professeur à l'Université de la Sorbonne Nouvelle Paris 3. Il estime que sortir réellement de la Françafrique est une démarche qui prendra du temps mais note quelques avancées.
Il rappelle que déjà à Ouagadougou, Emmanuel Macron "avait donné le 'la' sur cette démarche longue de sortir de la Françafrique" avant de préciser qu'on "ne sort pas justement de la Françafrique simplement par un discours ni en claquant des doigts. Parmi ce qui était reproché justement à la Françafrique c'était le fait par exemple qu'un Bolloré pouvait posséder tous les ports d'Afrique mais il y a eu tellement de pression qu'il a été obligé de tout revendre... D'ailleurs c'est l'un des derniers piliers justement de cette Françafrique là."
Le groupe Bolloré qui s'est toutefois retiré du continent africain pour ce qui concerne les activités portuaires et qui entretient, par ailleurs, des relations difficiles avec l'actuel locataire de l'Elysée.
Sur le continent, la France est de plus en plus contestée dans certains pays africains comme le Mali ou le Burkina Faso. On reproche par ailleurs toujours à Emmanuel Macron de poursuivre ses rencontres avec des dirigeants africains jugés autoritaires, comme c'était le cas récemment avec sa visite au Gabon pour rencontrer le président Ali Bongo.