L'EUTM poursuit ses formations au Mali malgré le putsch
27 mai 2021En dépit du nouveau coup d'Etat lundi dernier (24 mai 2021), le second en neuf mois, l'EUTM, mission de formation de l'Union européenne au Mali, prévoit toujours d'étendre son activité de formation de l'armée malienne avec la mise en place d'un centre d'entrainement à Sévaré, dans le centre du pays.
Le commandant de l'EUTM Mali, l'Espagnol Fernando Luis Gracia, ainsi que le général de brigade allemand Jochen Helmut Deuer, qui va lui succéder le 7 juillet prochain, tiennent le même discours : la situation politique est "difficile" au Mali mais les négociations sont en cours et celles-ci ne concernent pas les militaires européens.
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Nous continuons à "faire notre job" et "je ne travaille pas sur le côté politique", déclare le commandant espagnol, tandis que son futur successeur allemand ajoute simplement qu'il s'agit d'une "phase de transition complexe qui n'est pas encore terminée".
Ces deux militaires de carrière rappellent que ce sont les politiques à Bruxelles qui prennent les décisions et qu'ils ne font qu'exécuter les ordres. Mais comment ignorer la situation quand on forme une armée qui a une forte tendance à organiser des putschs ?
Car lors de la création de l'EUTM Mali, en 2013, le troisième point de sa mission était de "soutenir la restauration de l'Etat de droit dans le pays". Or aujourd'hui, il n'y a plus d'Etat de droit dans certaines zones contrôlées par les djihadistes mais surtout, il n'y a plus d'Etat de droit à Bamako.
Enfin, une des faiblesses soulignées ces dernières années concernerait une divergence de vue entre les militaires européens, soucieux de renforcer les capacités de l'armée malienne pour lutter contre les djihadistes, et le gouvernement malien qui s'accommodait parfois mieux d'une externalisation de sa sécurité avec la Minusma, la force militaire de l'Onu, et la force française Barkhane. Les politiques restant en effet méfiants vis-à-vis d'une mission qui renforce une armée aux comportements imprévisibles.
L'EUTM étend ses formations
La mission de formation militaire de l'Union européenne, parfois critiquée pour être cantonnée à Koulikoro, à 60 kilomètres de Bamako, souhaite désormais étendre son action avec la construction d'un nouveau centre à Sévaré, près de Mopti, situé cette fois à 600 kilomètres au nord-est de la capitale malienne.
D'ailleurs, l'armée allemande a annoncé qu'elle allait augmenter son contingent de 450 à 600 soldats. Une extension de mission, dans le cadre du mandat 2020-2024, pas sans risque.
Le commandant de l'EUTM Mali, le général de brigade Fernando Luis Gracia, affirme ainsi que "nous devons aller où se trouve la menace et nous allons nous rendre dans des endroits risqués."
La question de la sécurité est d'ailleurs au centre de certaines critiques. Quelle est la pertinence d'avoir une mission de formation dont la moitié des coûts est engloutie par la protection des formateurs ? Donc, on est dans un milieu tellement hostile qu'on est obligé de dépenser la moitié de l'argent pour protéger les formateurs et protéger la mission", affirmait ainsi récemment sur nos ondes l'ancien diplomate français Laurent Bigot.
La budget de la mission militaire a été augmenté à 133,7 millions d'euros pour quatre ans.
Pourtant, les militaires de l'EUTM, en particulier les soldats allemands, souffriraient moins de l'hostilité croissante de la population à laquelle doivent faire face les soldats de Barkhane ou encore, dans une moindre mesure, ceux de la Minusma.
Mais il faudra attendre pour connaitre les conséquences du dernier mouvement politique des militaires maliens sur la mission des soldats européens.
En effet, le ministère allemand des Affaires étrangères a condamné en termes assez rudes ce nouveau coup d'Etat, parlant d'un « signe catastrophique pour le peuple malien ». Il faut rappeler qu'en août 2020, à la suite du premier putsch, la mission de l'EUTM Mali avait été momentanément suspendue.