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Un an après les accords de paix de Pretoria pour le Tigré

31 octobre 2023

Le 3 novembre 2022, l'armée d'Ethiopie et le TPLF ont cessé leurs combats dans le Tigré. Mais la situation reste précaire.

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Deux femmes tiennent un drapeau tigréen, derrière elles, des enfants en rangs (photo du 14.10.2023)
A Mekele, lors des cérémonies d'hommage aux Tigréens tués durant la guerre du TigréImage : Million Haileselassie/DW

Il y a un an exactement cette semaine, était signé l'accord de paix qui a mis un terme à la guerre dans la région du Tigré, dans le nord de l'Ethiopie.Durant deux ans, l'armée fédérale et les hommes du TPLF, le Front de libération du peuple du Tigré, se sont livrés dans cette région des combats d'une rare brutalité.

Cette guerre, bien que terminée officiellement depuis un an, a laissé des traces toujours visibles en Ethiopie.

Haftom Kidai avait 25 ans et aucune expérience militaire lorsqu'il a décidé de s'engager pour soutenir le TPLF du Tigré. 

"Je me suis engagé pour mon pays, pour mon peuple, pour moi, raconte-t-il. Je ne regrette pas les sacrifices que j'ai faits. J'ai fait ce que j'avais à faire.”

Au moment où la guerre éclate, en novembre 2020, des soldats éthiopiens et érythréens sont entrés au Tigré. Haftom Kidai n'avait même jamais utilisé une arme de sa vie mais il assure que ce sont les "atrocités" commises par les soldats venus d'ailleurs qui l'ont poussé à s'engager pour défendre le Tigré.

Au front, le jeune homme a été grièvement blessé et la moitié de son corps est désormais paralysée. Et Haftom se sent abandonné par les autorités : "Maintenant, beaucoup d'entre nous sont, comme moi, handicapés."

Parmi ses "multiples besoins", le jeune homme veut surtout être dédommagé : "La principale chose, c'est de toucher une pension. Qu'on me verse une pension, je ne réclamerais rien de plus."

Des femmes en tenues de cérémonie tiennent des cierges dans la nuit, à Mekele (octobre 2023)
La population du Tigré n'a pas fini de panser ses plaies, un an après les accords de PretoriaImage : Million Hailesilassie/DW

De nombreux Ethiopiens ont connu le même sort et subi d'énormes pertes au cours de la guerre qui, en plus des morts et des blessures graves, a provoqué des déplacements de population.

Reprise des activités à Mekele

Les deux parties belligérantes ont négocié, sous la médiation de l'Union africaine, à Pretoria. Ces discussions ont abouti, le 3 novembre 2022, à la signature d'un accord de "cessation permanente des hostilités".

Depuis, la capitale régionale, Mekele a repris vie. Les tirs ont cessé, le siège imposé au Tigré a été levé.

Le téléphone, internet, les transports, les activités commerciales et l'aide humanitaire, qui avaient été suspendus pendant deux ans au Tigré, ont été partiellement rétablis. Les écoles ont rouvert.

Toutefois, Daniel Semunigus, enseignant à l'université, évoque un sentiment "mitigé chez les habitants du Tigré", un an après les accords de Pretoria.

"La situation est toujours précaire et instable du fait des retards dans l'application des accords de Pretoria, explique Daniel Semunigus. Cela a poussé de nombreux Tigréens à fuir vers d'autres régions de l'Ethiopie, en quête d'une amélioration de leur sécurité économique et politique. Beaucoup de nos étudiants et de nos collègues ont quitté Mekele [et] le Tigré, ce qui a des répercussions sociales et déstabilisera sans doute la région sur le long terme."

Du linge sèche dans un camp de déplacés de Mekele dans le Tigré (octobre 2023)
Plus d'un million de personnes sont toujours déplacées à l'intérieur du pays depuis la guerre au TigréImage : Million Hailesillassie/DW

Déplacés et détresse humanitaire

Parmi les Tigréens restés sur place, de nombreuses personnes ont encore besoin d'aide humanitaire. En plus des violences, la sécheresse, les épidémies de choléra et de paludisme, les criquets pèlerins ont aggravé la situation.

Hagos Tesfay, un déplacé qui vit actuellement dans le district d'Erob, à la frontière avec l'Erythrée, témoigne : "Depuis la signature de l'accord de paix, les services comme les banques, les télécommunications et l'électricité, qui étaient coupés dans la plupart des zones du Tigré, ont repris. Mais à Erob, rien n'a changé. La plupart des districts d'Erob sont toujours contrôlés par l'armée érythréenne."

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'Onu (Ocha), la situation humanitaire reste critique : plus d'un million de personnes sont toujours déplacées à l'intérieur du pays à la suite du dernier conflit et 1,5 million de personnes auraient besoin d'une aide alimentaire.

Gebreselassie Kidane a lui aussi été déplacé de la ville d'Humera, dans le Tigré occidental, une zone désormais sous le contrôle de milices Amhara. Il raconte qu'il vit "maintenant dans le camp de déplacés de Mekele. Il y a trois ans, lorsque la guerre a commencé, nous avons fui pour sauver nos vies. Nous manquons de produits de base. […] Nous voulons que l'accord de paix soit pleinement mis en œuvre et nous voulons retourner chez nous et retrouver notre vie confortable d'avant."

Retrait des troupes érythréennes

L'Alliance des organisations de la société civile du Tigré (Acsot) affirme que l'accord de paix signé il y a un an n'a pas été pleinement mis en œuvre. Yared Berha, représentant de la société civile du Tigré, déclare ainsi à la DW : "Le gouvernement fédéral ne fait pas assez pour tenir ses promesses".

Redaei Halefom, responsable de la communication de l'administration intérimaire du Tigré, demande au gouvernement d'assumer la responsabilité du retrait des forces étrangères dans le Tigré – les combattants amhara et les soldats érythréens - et qu'il permette le retour immédiat des habitants déplacés par les combats.

En outre, les Nations unies estiment que parmi les atrocités commises durant la guerre, certaines pourraient être qualifiées de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.