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Vous reprendrez bien de la purée, Monsieur Monet ? // 57 ans après, l'affaire Ben Barka n'est toujours pas résolue

Vu d'Allemagne
26 octobre 2022

Des jeunes militants écologistes jettent de la purée ou de la soupe sur des œuvres d'art pour alerter sur l'urgence climatique. Dans ce numéro de Vu d'Allemagne, on décrypte ce nouveau mode de contestation. // Le 29 octobre 1965, le militant marocain Mehdi Ben Barka disparaissait sans laisser de trace en France. 57 ans après, la vérité n'est toujours pas établie.

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C'est l'automne en Allemagne, et il fait chaud pour la saison, suffisamment pour attirer des dizaines de milliers de personnes dans les rues du pays.

Il y a les manifestations contre la vie chère, celles en solidarité avec les femmes iraniennes… et d'autres pour appeler à la solidarité sociale et écologique. Samedi dernier (22.10.2022) à Berlin et dans cinq autres villes, un collectif constitué d'associations environnementales et sociales a réuni plus de 20.000 personnes sous la bannière d'un "automne solidaire". 

Pour une justice sociale et écologique

Les associations et syndicats réclament une amélioration du plan de 200 milliards d'euros adopté pour soutenir les entreprises et les ménages, à un moment où l'Allemagne traverse une grave crise sociale et écologique.

"Ce qui ne va pas mes amis, c'est l'équilibre social", a dénoncé à la tribune le président du syndicat des service Ver.di, Frank Werneke. "Il n'est pas acceptable que les locataires d'un appartement de deux pièces soient traités de la même manière que les propriétaires d'une villa avec piscine. Avec les projets actuels, les deux voient 80% de leur consommation remboursée dans le cadre du blocage des prix. Pour les gens qui ont un faible revenu, et pour les locataires, il reste toujours un poids conséquent, tandis que d'autres sont soutenus à outrance. C'est pourquoi chers collègues, nous disons qu'au-delà du frein sur les prix de l'électricité et du gaz, il faut un soutien supplémentaire pour les gens qui ont des revenus faibles ou moyens."

Frank Werneke, patron du syndicat Ver.di, réclame une répartition plus solidaire des aides aux ménages et aux entreprises
Frank Werneke, patron du syndicat Ver.di, réclame une répartition plus solidaire des aides aux ménages et aux entreprisesImage : Carsten Koall/dpa/picture alliance

Le collectif propose des mesures concrètes pour financer la solidarité, comme la taxation des hauts revenus et des superprofits des entreprises, ou encore la suspension temporaire du frein de la dette. 

Il appelle par ailleurs le gouvernement à ne pas renoncer aux objectifs climatiques sous prétexte de mesures sociales.... Le retour au nucléaire et la prolongation des centrales à charbon ne sont que de fausses solutions, selon eux.

"C'est vrai qu'il y a en Allemagne actuellement un dilemme entre l'enjeu social et l'enjeu environnemental, notamment du point de vue de l'équilibre énergétique actuel", analyse Bastien Fond, sociologue de l'environnement et doctorant au centre Marc Bloch de Berlin.

"Si l'Allemagne continue à assumer sa politique vis à vis de la Russie, elle va devoir continuer très fort sur le charbon. Il faut voir si cette inflexion à court terme va être représentative de tendances à long terme ou si on arrivera ensuite à renverser la barque. C'est difficile sur des périodes de crise comme ça, d'arriver à voir dans quelle mesure les mouvements transitoires produisent des inflexions à long terme ou non."

La "dernière génération" en a assez d'attendre

Action coup de poing contre le tableau Les Meules de Monet au musée Barberini
L'action de Last Generation au musée Barberini revendique la primauté de la vie sur l'artImage : twitter.com/AufstandLastGen

Des inflexions que refusent les activistes de la nouvelle génération. Les mouvements de jeunes inquiets de l'état de la planète se sont multipliés ces dernières années à travers le monde, avec des actions de plus en plus spectaculaires pour alerter sur l'urgence climatique. 

Le mot d'ordre de ces groupes est la désobéissance civile, au nom de la lutte contre "l'effondrement écologique". La nouvelle tendance est de s'attaquer à des œuvres d'art. Dimanche, deux militants du mouvement allemand "Last Generation" ont aspergé de purée de pommes de terre un tableau de Claude Monet au musée Barberini de Potsdam... avant de s'agenouiller, une main collée au mur avec de la glue, pour revendiquer leur geste devant des visiteurs interloqués.

"Des gens ont faim, ont froid, des gens meurent. Nous sommes au milieu d'une crise climatique et la seule chose dont vous avez peur, c'est de soupe de tomate ou de pommes de terre sur une peinture", a clamé Mirjam Herrmann, l'une des deux activistes. "Vous voulez savoir ce qui me fait peur? Le fait que la science dit que nous ne pourrons pas nourrir nos familles en 2050."

Soupe de tomate ou purée, l'important c'est le symbole

Deux militants  de Just Stop Oil devant le tableau Les Tournesols de Van Gogh souillé de soupe de tomate
À Londres, les activistes de Just Stop Oil ont lancé de la soupe de tomate sur les Tournesols de Van GoghImage : Just Stop Oil/PA/dpa/picture alliance

Une action inspirée directement de celle du mouvement britannique "Just Stop Oil" il y a une dizaine de jours: les activistes avaient balancé de la soupe de tomate sur le célèbre tableau "Les tournesols" de Van Gogh à la National Gallery de Londres. 

Pour Bastien Fond, ce mode de contestation est certes violent dans sa forme, mais il a une forte portée symbolique. "En Allemagne, on a eu plutôt le côté purée de pommes de terre. Au Royaume Uni, on a eu la soupe à la tomate. Ce sont des aliments de la vie quotidienne, que mangent tous types de classes sociales dans ces pays là. Et en ce sens là, ce sont des symboles forts d'actions qui se revendiquent comme étant : d'un côté l'art, de l'autre la survie au jour le jour et les enjeux de la vie quotidienne."

Le tableau "Les Meules" de Monet fait partie de la collection du milliardaire Hasso Plattner, acheté aux enchères en 2019 pour 111 millions de dollars et prêté à titre permanent au musée Barberini. A l'instar des Tournesols de Van Gogh, il n'a pas été endommagé lors de l'action car il était protégé par une vitre.

Dénoncer le capitalisme financier

Mais derrière l'attaque de ces tableaux, c'est le système du financement de l'art et le capitalisme financier qui sont pris pour cible, estime Bastien Fond:

"Cela fait plus d'un siècle que les grands mécènes de l'art sont les grands milliardaires, que les personnes qui façonnent le goût artistique et l'histoire de l'art et la manière dont se canonise l'art sont les personnes qui sont au sommet du système capitaliste. C'est ça qui se joue au niveau de ces actions coup de poing. (…) Ce sont des actions qui, si elles sont contestables dans leur forme sous certains points de vue et ne font pas consensus, ont le mérite de poser une question et de faire une adresse directe à des milliardaires auxquels on n'arrive pas, sinon, facilement à s'adresser. Et en ce sens, elles posent des questions dont la réponse va être intéressante à observer."

Hasso Plattner, le propriétaire du tableau de Monet, s'est dit choqué par l'action
Hasso Plattner, le propriétaire du tableau de Monet, s'est dit choqué par l'actionImage : Soeren Stache/dpa/picture alliance

L'objectif semble accompli pour les militants qui ont souillé le tableau de Monet et ont été arrêtés après leur action au musée.

"Est-ce qu'il faut des patates écrasées sur une œuvre artistique pour que vous écoutiez?", a encore crié Mirjam Hermann, lors de son action coup de poing, avant de conclure : "Ce tableau n'aura plus aucune valeur quand nous devrons nous battre pour de la nourriture. Quand est-ce que vous allez écouter et arrêter de continuer comme si de rien était?"

Les activistes de la nouvelle génération ne comptent pas s'arrêter là. Lundi, deux autres militants du groupe Just Stop Oil ont écrasé du gâteau au chocolat sur le visage de la statue de cire à l'effigie du roi Charles III, au musée londonien Madame Tussaud, pour réclamer l'arrêt des nouveaux projets pétroliers et gaziers... Un rappel au nouveau roi d'Angleterre, réputé être engagé pour l'écologie.


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57 ans après, la famille de Mehdi Ben Barka attend toujours la vérité

Mehdi Ben Barka
Mehdi Ben Barka, disparu le 29 octobre 1965Image : piemags/IMAGO


C'était une figure du mouvement anti-impérialiste et de la politique marocaine : Mehdi Ben Barka. 

Le 29 octobre 1965, alors qu'il était de passage pour un rendez-vous dans la capitale française, cet homme de la gauche marocaine est interpellé par deux policiers français près de la brasserie Lipp, dans le quartier Saint-Germain des Prés à Paris.

Il est ensuite déposé dans une villa… Et disparaît sans laisser de trace. La justice n'a jamais tranché définitivement sur ce qui a pu arriver à Mehdi Ben Barka.

Pourtant selon l'avocat de la famille et ses proches, l'enquête a établi très vite que l'enlèvement avait été planifié par les services secrets marocains, avec la complicité de policiers, d'agents des services et de truands français. 

57 ans après la disparition de l'homme politique marocain, Nadir Djennad revient sur l’héritage politique de Mehdi Ben Barka et sur l'instruction judiciaire jamais bouclée.

 

Vu d’Allemagne est un magazine radio hebdomadaire, proposé par Hugo Flotat-Talon et Anne Le Touzé, diffusé le mercredi et le dimanche à 17h30TU, et disponible aussi en podcast. Vous retrouvez tous les numéros dans la médiathèque, à écouter en ligne ou à télécharger en format MP3. Le podcast est également disponible sur certaines plateformes de podcasts.

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Politique, économie, histoire... Vu d'Allemagne est un podcast hebdomadaire sur l'Allemagne, avec un grand reportage international en seconde partie d'émission.