Dix ans après la révolution, le Yémen toujours en guerre
10 février 2021Le 11 février 2011, Hosni Moubarak était contraint de quitter l'Egypte qu'il dirigeait de manière autocratique depuis plusieurs décennies.
Mais il y a dix ans jour pour jour, le Yémen connaissait aussi son "Printemps arabe".
Des manifestations de masse pour réclamer plus de libertés et des lendemains meilleurs. Alors certes, les militants d'alors ont déchanté, le pays s'enfonce dans la guerre et la crise humanitaire mais les manifestants de 2011 se souviennent aussi de l'élan qu'ils ont ressenti dans la société. Souvent pour la première fois.
"L'idéal démocratique est très important et il faut garder ce cap pour l'avenir mais je ne pense pas qu'il soit réaliste à court terme". Ces propos désabusés sont ceux de Sama'a al-Hamdani. Il dirige l'Institut pour l'héritage culturel et les arts du Yémen.
Ali Abdullah Saleh chassé par la rue
Pourtant, il y a dix ans, les manifestants qui réclamaient – et ont obtenu – le départ d'Ali Abdullah Saleh après 33 ans au pouvoir ont cru que le changement amorcé ne pouvait qu'être positif.
La chute de Moubarak en Egypte leur avait donné le courage de descendre dans la rue.
Tawakkol Karman avait 32 ans à l'époque, elle militait déjà contre la corruption. Et depuis le début du mouvement, elle insistait pour ouvrir un dialogue pacifique avec les autorités, en dépit de la répression brutale. Surnommée par ses concitoyens "la Mère de la Révolution", elle a obtenu le prix Nobel de la paix en 2011, aux côtés des Libériennes Ellen Johnson Sirleaf et Leymah Gbowee.
Twakkol se souvient d'avoir vécu, pleine d'espoir, "les trois plus belles années" de sa vie à partir de 2011.
La déception Hadi, le début de la guerre
Mais le successeur d'Ali Abdullah Saleh à la présidence du pays, Abed Rabbo Mansour Hadi, n'a pas réussi non plus à venir à bout de la corruption, ni du chômage de masse.
Des djihadistes ont attaqué le sud du pays. La minorité chiite des Houthi a pris le contrôle du nord, avec le soutien de l'Iran, puis de la capitale, Sanaa.
Le président Hadi a fui le pays, les pays sunnites de la région – les Emirats arabes unis et l'Arabie Saoudite – sont entrés dans le conflit.
La coalition militaire emmenée par l'Arabie Saoudite annonce que les Houthis auraient attaqué ce mercredi l'aéroport saoudien d'Abha. D'après les médias officiels, un avion civil aurait été touché. Les Houthis ont posé mardi comme condition pour cesser leurs attaques que l'Arabie Saoudite et ses alliés stoppent leurs raids en territoire yéménite.
Les civils éplorés
La guerre au Yémen a causé la mort d'au moins 100.000 personnes, d'après le HCR, et rendu 80% de la population yéménite dépendante de l'aide extérieure, soit 30 millions de personnes.
20 millions ont même besoin d'une aide alimentaire.
Changement de cap à Washington
L'administration Biden a annoncé que "cette guerre [devait] cesser". Washington ne soutiendra plus l'offensive saoudienne contre les Houthis.
Farea al-Muslimi, co-fondateur du Centre de recherches stratégiques de Sanaa, estime que c'est une bonne chose si les Etats-Unis arrêtent de vendre des armes aux belligérants du Yémen, mais que cela ne suffira pas pour ramener la paix dans son pays.
Et quand on lui demande, au vu de la situation actuelle, s'il regrette la révolution à laquelle il a participé, jeune homme en 2011, il répond :
"Dire oui, ça serait le plus simple pour tout le monde, je n'aurais pas à me casser la tête comme je le fais. Mais à l'époque, c'était soit faire partie de ce mouvement historique, soit être balayé dans les oubliettes de l'histoire".