Des tensions sociales embrasent le Mali
8 mai 2020Kayes, Kati, Sikasso, Ségou, Mopti ou encore plusieurs quartiers de Bamako connaissent depuis près d’une semaine des nuits d’émeutes. Rues barricadées, pneus brulés, kiosques de police incendiés : ces violences auraient fait trois morts dans tout le pays selon plusieurs sources.
De nombreux blessés, dont certains graves, ont également été enregistrés. Les forces de l’ordre répriment ces manifestations par des tirs de gaz lacrymogènes jusque dans les domiciles, ou par des tirs à balles réelles comme ce fut le cas hier jeudi dans la région de Sikasso, où il y aurait eu une victime selon les medias locaux.
Brema Ely Dicko est sociologue :
"Au début, il y avait deux phénomènes un peu distincts de mon point de vue. Dans la région de Kayes, c’était plutôt un ras-le-bol collectif. A Bamako, il y a eu la proclamation des résultats des élections législatives. En commune I, V et VI, il y a des alliances qui avaient été annoncées gagnantes lors de la proclamation des résultats provisoires par le ministère de l’Administration territoriale. Par la suite, il y a eu des requêtes au niveau de la Cour constitutionnelle, des résultats ont été invalidés. Cela a créé des frustrations. A cela s’ajoute le fait que le couvre-feu impacte négativement toutes les activités socio-économiques nocturnes. L’autre élément nouveau, c’est le ramadan qui est un moment de communion, un moment de rencontre, un moment où il y a beaucoup d’activités communautaires qui se déroulent, les prières collectives notamment. Le dernier élément à prendre en compte, ce sont les coupures d’électricité ici et là, jour et nuit, sans compter les coupures d’eau."
Sensibiliser autrement
Mamedy Dramé milite au sein de l’association Waati Sera – C’est le moment. Celui-ci estime que la seule issue à ces violences nocturnes demeure l’allègement des mesures préventives prises par les autorités pour lutter contre le Covid-19 :
"En toute franchise, le mal est déjà fait. Il faut aller vers une levée pure et simple du couvre-feu. Il faut utiliser d’autres canaux de communication pour sensibiliser les populations autour du respect des gestes barrières. Sinon, cela va être très compliqué avec les coupures intempestives, mais aussi le problème posé par la Cour Constitutionnelle, d’aller vers un apaisement de la situation."
Le président malien Ibrahim Boubacar Keita tient en ce moment un conseil extraordinaire de défense nationale pour évoquer le sujet.