Dedan Kimathi : l'héroïque combattant de la liberté du Kenya
12 août 2021Dedan Kimathi est né sous le nom de Kimathi wa Waciuri le 31 octobre 1920, dans le village de Thege, près de Nyeri, au centre du Kenya. Il entre à l'école primaire à l'âge de quinze ans et rejoint l'école secondaire de la mission de l'Église d'Écosse dans la région avant d'abandonner.
Kimathi grandit dans des conditions compliquées. Son père est mort avant sa naissance. Ses années d'écoles ont lieu pendant la période coloniale. Mais son dossier scolaire montre qu'il était exceptionnellement intelligent. Il était particulièrement doué en anglais et en poésie et était un membre ardent du club de débat.
Intelligent, Kimathi se fait aussi remarquer pour son coté parfois dur et têtu. Certains historiens attribuent ce caractère rebelle non pas à sa haine de la domination blanche, mais plutôt au traitement injuste qu'il estimait avoir reçu des Noirs. Ses camarades de jeu le surnommaient "Njangu", un mot kikuyu qui signifie "rude et traître". Il sera finalement renvoyé de l'école pour indiscipline en 1944.
À quel groupe ethnique Dedan Kimathi appartenait-il ?
Les Kimathi appartenaient au clan Ambui, l'un des neuf clans qui composent les Kikuyu, le plus grand groupe ethnique du Kenya, situé principalement dans la partie centrale du pays d'Afrique de l'Est. Jomo Kenyatta, le président fondateur du Kenya, était également membre du groupe ethnique Kikuyu. Certains historiens soutiennent que Kenyatta et Kimathi n'étaient pas sur la même longueur d'onde concernant le cheminement du Kenya vers l'indépendance. Alors que Kenyatta préférait une approche non violente, Kimathi était d'avis que seules les armes à feu pouvaient garantir l'indépendance du Kenya.
Comment Dedan Kimathi est-il devenu un combattant de la liberté ?
Après l'école, le jeune Kimathi tente sa chance dans divers emplois : l'administratif, le domaine porcin ou encore l'enseignement. Maitrisant bien la langue anglaise, il décroche plusieurs emplois. Mais le pays est alors agité par le débat autour de la gestion coloniale.
Vers 1951, Kimathi rejoint d'autres combattants de la liberté kenyans dans un mouvement d'indépendance armé, qui sera plus tard connu sous le nom de Mau Mau. Il gravi rapidement les échelons et commence à faire prêter le serment rituel obligatoire aux nouveaux membres.
En 1952, lorsque l'administration britannique déclare l'état d'urgence, Kimathi s'est rendu dans la forêt près du mont Kenya. Il est considéré comme le plus redouté des trois "maréchaux" qui dirige le mouvement. Incorporée dans une unité appelée "Conseil de défense du Kenya", il entreprend d'organiser des attaques armées contre le gouvernement colonial britannique.
Quelle est l'histoire du mouvement Mau Mau ?
Le Mau Mau est un mouvement fondé dans le but d'expulser les colons blancs qui avaient pris des terres appartenant auparavant aux Kényans. Au départ, les combattants du Mau Mau étaient principalement des Kikuyu, dont le territoire était préféré par les colons blancs, mais plus tard, les Meru, les Embu, les Kamba et d'autres groupes ethniques se sont joints à la lutte.
On ne sait pas exactement d'où vient le terme Mau Mau. Certains disent qu'il a été inventé comme une anagramme du mot kikuyu "uma" qui signifie "aller". Mais les membres du mouvement ont préféré se faire appeller "Armée de terre et de la liberté du Kenya" (Kenya Land and Freedom Army en anglais, KLFA). Plus tard, Mau Mau signifiera : "Mzungu arudi Ulaya, mwafrika apate uhuru", une expression swahilie qui signifie : "Que l'étranger retourne en Europe, pour que l'Africain puisse retrouver son indépendance".
Les combattants agissent sur la base d'un serment, lié aux objectifs du mouvement. Mais plusieurs anciens membres parleront plus tard d'enrôlement forcé. L'insurrection a suscité la peur chez les colons britanniques et les Africains modérés, qui ont été pris pour cible pour avoir prétendument trahi la cause du mouvement et collaboré avec les colons.
Combien de personnes sont mortes lors du soulèvement des Mau Mau ?
Les documents officiels des Archives nationales du Kenya montrent que plus de 10.000 Kenyans ont été tués par les forces de sécurité coloniales britanniques et que près de 50 000 ont été détenus après que l'administration coloniale ait déclaré l'état d'urgence en octobre 1952. Le gouvernement colonial britannique a également procédé à 1 090 exécutions, ce qui en fait le plus important recours à la peine capitale en temps de guerre de l'Empire britannique. D'autre part, plusieurs centaines de personnes, la plupart kenyanes, auraient été tuées par les combattants Mau Mau.
Comment Dedan Kimathi est-il mort et où a-t-il été enterré ?
Le 21 octobre 1956, Dedan Kimathi est capturé à la suite d'une chasse à l'homme menée par Ian Henderson, un officier de renseignements britanniques. Au moment de sa capture, une prime avait été mise en place pour la tête de Kimathi. Ce n'est cependant pas Henderson qui l'a capturé le premier : Il a été capturé après avoir été blessé par les tirs de deux Home Guards appartenant à une milice d'autodéfense de son propre groupe ethnique Kikuyu.
Kimathi a été rapidement jugé et finalement exécuté le 18 février 1957. Les colonialistes ont ensuite jeté son corps dans une tombe non marquée à la prison de sécurité maximale de Kamiti, vraisemblablement pour empêcher les Kenyans de transformer la tombe en sanctuaire.
Pendant plusieurs décennies, la famille, les proches et le gouvernement kenyan ont supplié Londres de révéler l'endroit où se trouvait la dépouille de Kimathi, mais en vain. Ce n'est qu'en 2019 que la nouvelle de la découverte de son lieu de sépulture sera finalement connue.
Comment commémore-t-on aujourd'hui la mémoire de Dedan Kimathi ?
Une rue de Nairobi porte le nom de Dedan Kimathi. En 2007, l'ancien président Mwai Kibaki a dévoilé une statue en bronze de deux mètres de haut de Kimathi dans cette même rue. L'université de technologie Dedan Kimathi et le stade Dedan Kimathi de Nyeri font partie des nombreuses institutions qui honorent le légendaire combattant Mau Mau.
--------------------------------------------------------
Les professeurs Doulaye Konaté, Christopher Ogbogbo et Lily Mafela ont contribué à ce récit qui fait partie de la série "Racines d'Afrique". Une série de la Deutsche Welle, en coopération avec la fondation Gerda Henkel.