Covid-19: le mariage forcé guette 500.000 jeunes filles
1 octobre 2020Les conclusions du dernier rapport de l'ONG Save the children font froid dans le dos : la pandémie de Covid-19 est en train d'exacerber les inégalités de genre et de faire reculer des progrès que l'on espérait acquis. 500.000 jeunes femmes supplémentaires dans le monde risquent ainsi d'être mariées contre leur gré cette année.
Les jeunes filles, plus exposées
En Afrique, les jeunes filles sont particulièrement exposées aux répercussions de la pandémie.
Et surtout dans le Sahel, la région dont s'occupe Valérie Dagnimisom Sorgho Koutou, de Save the children. Depuis Ouagadougou, elle détaille les affres du virus, venu se greffer sur une région déjà en proie aux violences liées au terrorisme.
"C'est dû au confinement, à l'absence de l'accessibilité aux services sociaux de base de santé, à la hausse de la pauvreté, à l'insécurité alimentaire et à la fermeture des écoles aussi qui sont venues s'ajouter à la crise humanitaire qui existait déjà", explique Valérie Dagnimisom Sorgho Koutou.
Cliquez ci-contre pour écouter l'intégralité de l'entretien avec Valérie Dagnimisom Sorgho Koutou:
"Sur ce dessin, c'est moi qui pleure"
Pour mener son étude, l'ONG a recueilli les témoignages de jeunes filles. Comme Subira, de Tanzanie, qui a quitté l'école après la primaire.
Agée de 15 ans, elle a échappé de justesse au mariage auquel ses parents voulaient la contraindre avec un homme de 45 ans.
A la demande de l'association, elle a fait un dessin pour raconter son histoire:
"Sur ce dessin, on voit mon père, ma mère, et deux autres personnes qui nous apportent la dot. Et puis la personne en pleurs, par terre, c'est moi. [...] Comme beaucoup d'autres jeunes filles, j'allais gagner un peu d'argent, j'étais assistante dans un salon de couture, j'aidais pour les essayages. Mais avec la Covid-19, on a dû rester à la maison et on a perdu nos revenus."
"Je veux retourner à l'école"
Tatu, une autre Tanzanienne de 17 ans, se souvient de son malheur au moment de son mariage … en échange, ses parents, éleveurs, ont reçu des vaches en cadeau. Tatu est maintenant mère de deux enfants.
"Ce que je voudrais, c'est retourner à l'école si c'est possible. J'ai envie d'avoir plus de connaissances. Pour moi, le mariage précoce, c'est une violence parce que la jeune fille est immature, elle ne peut rien décider par elle-même. Je veux que mes enfants aillent à l'école et me soutiennent plus tard. J'ai appris de ma propre erreur et je ne veux marier aucun de mes enfants trop jeune."
D'après Save the Children, 9,7 millions d'enfants dans le monde ne pourront plus jamais aller à l'école après la Covid-19.
Appels à agir
L'ONG en appelle aux gouvernements pour rouvrir au plus vite les écoles et changer les lois afin que les mineurs – et surtout les jeunes filles –soient moins vulnérables. L'ONG organise aussi des plaidoyers pour changer les normes sociales.
"Nous avons travaillé avec des leaders religieux et coutumiers dans des pays comme le Burkina ou le Mali, pour organiser aussi le dialogue parental car en dernier ressort, ce sont les parents qui décident du sort de leur fille. Les parents voient dans le mariage une forme de protection des enfants pour les mettre à l'abri du besoin, ce qui est faux et erroné", insiste Valérie Dagnimisom Sorgho Koutou
Save the children insiste aussi sur la nécessité de donner la parole aux jeunes filles elles-mêmes afin qu'elles puissent exprimer leurs souhaits et leurs besoins sur le court et le long terme.