Conflit au Mai-Ndombe : une mère yaka témoigne
11 juillet 2023L'affaire aurait pu se régler pacifiquement. Le 10 juin 2022, dans le village de Masia Mbe, le chef de village convoque les fermiers, principalement yaka.
Quelques mois plus tôt, ce chef, récemment installé, avait demandé que la "redevance coutumière" que doivent lui verser les fermiers soit augmentée. Ceux à quoi ces derniers étaient opposés. Reine Nduku y était. Elle raconte : "Lorsque les fermiers sont arrivés, ils ont voulu débattre. La redevance que le chef avait demandée était de cinq sacs, 200.000 francs et une tôle. Les fermiers ont refusé. Ce que le chef n'a pas apprécié. Il disait qu'on le dérangeait. C'est pourquoi, il a tiré. Il a tué Blaise. Et il y a eu d'autres blessés."
Blaise, c'était son fils. Elle en garde aujourd'hui le souvenir dans son sac, à travers une affichette plastifiée à son effigie, sur laquelle est inscrit "Blaise Kamiaka, à tout jamais dans nos cœurs". Son meurtre aurait été l'étincelle.
Sentiment d'exclusion
"Le lendemain, je suis revenu pour enterrer Blaise. J'ai été surprise par un cortège de police, qui accompagnait un certain Franky, l'auditeur général, venu mener l'enquête. Ils m'ont arrêté et ont enterré Blaise, laissant sa tête et ses pieds à la surface."
Alors que les Yaka, majoritaires dans la région, se sentent ostracisés par des pouvoirs locaux soupçonnés de soutenir les Teke, ils ont commencé à prendre les armes, comme le raconte cet homme :
"Après que Blaise a été tué le 10 juin, il y a eu d'autres morts, notamment dans le secteur des Bateke. Donc, nous, en représailles, nous avons tué beaucoup de gens chez les Teke. Ensuite, nous nous sommes rassemblés pour chercher un moyen de nous protéger, au sein des Mobondo, comme des milices d'autodéfense."
Chacun sa version
Il se présente comme l'un des cofondateurs des Mobondo, cette milice mystique pointée du doigt dans le meurtre d'au moins 300 personnes, entre fin juin 2022 et mars 2023, selon les données avancées par Human Rights Watch.
Et si les Teke alertent aujourd'hui sur un potentiel début de nettoyage ethnique, les Yaka dénoncent, eux, une stratégie d'expulsion du territoire de Kwamouth par l'augmentation des taxes et redevances sur leurs lieux d'habitation et d'exploitation.